LOCKE & KEY : MASTER ÉDITION T.1
Locke & Key #1-6, Locke & Key : Head Games #1-6 – Etats-Unis – 2008 / 2009
Genre : Fantastique
Dessinateur : Gabriel Rodriguez
Scénariste : Joe Hill
Nombre de pages : 328 pages
Éditeur : Hi Comics
Date de sortie : 22 mai 2024
LE PITCH
Après la disparition brutale de leur père, Tyler, Bode et Kinsey découvrent leur nouvelle demeure, Keyhouse : Un manoir hanté, dont les portes peuvent transformer ceux qui osent les franchir…
Le secret derrière la porte
C’est l’œuvre phare de la branche comic de Bragelonne et Locke & Key n’a eu de cesse de revenir sous de nouvelles formes et de nouvelles rééditions. Dernière en date donc cette Master Edition dont le n°1 regroupe les tomes 1&2 classiques sous une superbe couverture souple… Et si après ça vous n’avez toujours pas lu Locke & Key, c’est que vous le faites exprès.
Retour en arrière de presque vingt ans alors que le jeune auteur de romans et de nouvelles Joe Hill, fils talentueux du grand Stephen King, se lance pour la première fois dans la rédaction d’un comics. Une histoire finie, prévue en six grands arcs (quelques courts récits viendront s’y ajouter par la suite) s’intéressant à la destinée de la dernière génération de la famille Locke, deux frères et une sœur, victimes d’une agression dans leur maison, devant apprendre à survivre après le meurtre de leur père et le viol de leur mère. Brutal, marquant. Une ouverture qui n’est bien entendu que la première marche qui va les mener vers le patelin appelé Lovecraft (référence, référence…) où se dresse l’immense demeure familiale, censée leur offrir protection mais où les attendent de nombreux secrets oubliés, des clefs magiques, une entité maléfique et un voyage vers ce passé où tout a commencé. Joe Hill s’empare des codes du drame gothique pour les réinvestir dans un contexte beaucoup plus moderne et va constamment en démultiplier le potentiel en jouant certes sur la construction labyrinthique des lieux, mais aussi en y ajoutant la découverte progressive des pouvoirs des ses fameuses clefs qui donnent des pouvoirs incommensurables aux portes qu’elles ouvrent.
Par le trou de la serrure
L’une permet de changer de sexe, l’autre de devenir un fantôme, une troisième de pouvoir observer littéralement l’intérieur de sa tête et bien entendu la voix qui attend au fond du puits espère mettre la main sur le passe-partout qui permet justement de voyager instantanément d’un lieu à l’autre. Baigné dans une magie plus souvent inquiétante que joyeusement fantaisiste, Locke & Key se construit comme un véritable thriller horrifique, souvent très intense, graphique voir cruel, mais s’appuie toujours sur sa propre, et fertile, imagination pour explorer autant les méandres complexes de sa trame que les aléas et tournents de ses jeunes héros constamment confrontés à l’impensable. C’est une histoire sombre et violente certes, mais Joe Hill l’aborde toujours par un versant ludique, façon puzzle et semble directement inviter le lecteur à essayer de découvrir par lui-même les nombreux embranchements du récit, les connexions et les petits indices disséminés dans les pages au découpage particulièrement inventif. Véritable « partner in crime » Gabriel Rodriguez (alors révélé par son excellente adaptation du Secret Show de Clive Barker) s’amuse véritablement avec tout le potentiel livré par l’auteur pour donner corps à un merveilleux inquiétant, une forme d’horreur enchantée, de réalisme baroque qui refait directement le lien avec certaines des plus grandes œuvres de… Stephen King.
Il est frappant de voir à la relecture comment dès les premiers pages Locke & Key semble avoir été savamment calculé, méticuleusement construit et brillamment agencé pour faire immédiatement entrer le lecteur dans cette bien curieuse histoire de transmission intergénérationnelle (souvenez-vous, fils de…), se prendre de tendresse pour Kinsey, Tyler et Bode et embarquer dans un voyage entre drame et merveilleux dont la fameuse série Netflix n’a fait que survoler tout le potentiel.