LOCKE & KEY : MASTER ÉDITION T.2
Locke & Key : Keys to the Kingdom #1-6, Locke & Key : Clockworks #1-6 – Etats-Unis – 2010 / 2012
Genre : Fantastique
Dessinateur : Gabriel Rodriguez
Scénariste : Joe Hill
Nombre de pages : 312 pages
Éditeur : Hi Comics
Date de sortie : 21 août 2024
LE PITCH
Les Ténèbres se referment sur Keyhouse. Dodge poursuit son insatiable quête des mystérieuses clés de pouvoir et est prêt à tout pour les obtenir. Assiégés et isolés, les enfants Locke doivent livrer un combat désespéré, dans un monde où la nuit même est leur ennemie.
à corps et à clefs
Second volume de la réédition grand luxe de Locke & Key en format Master Edition (couverture gaufré, dos souple, papier glacé…) l’album regroupe comme il se doit les recueils 3 et 4 de la série imaginée il y a dix ans déjà par Joe Hill et Gabriel Rodriguez. Une nouvelle fois un concentré d’inventivité.
Le premier tome débutait comme un fait divers tragique qui ouvrait sur un récit fantastique étonnant puisque se basant sur une idée simple (des clefs disséminées dans une maison mais qui ont chacune une propriété magique) qui éclairait la cicatrisation émotionnelle avec des reflets tous particulier. La suite démontrait avec brio l’alliance parfaite entre les idées délirantes de Joe Hill et les illustrations vibrantes de Gabriel Rodriguez en se basant une nouvelle fois sur un concept aussi bref qu’aux possibilités délirantes : une clef qui ouvre le crâne pour en voir la psychée intérieure. Si Locke & Key marque autant le lecteur c’est sans doute aussi parce que ce dernier a l’impression d’assister à la naissance d’un duo scénariste / dessinateurs d’une évidence aussi parfaite que Grant Morrison / Frank Quitely, Neil Gaiman / Dave McKean, Gart Ennis / Steve Dillon… et pourquoi pas Stan Lee / Jack Kirby. L’un explore jusqu’à la lie son univers poético-macabre hérité des maitres anglo-saxons comme Poe et, bien entendu, Lovecraft, l’autre leur donne une réalité presque physique, tangible, tout en accentuant l’étrangeté de la chose.
Les Nuits sur le mont-chauve
Dans La Couronne des ombres et Les Clés du royaume, respectivement troisième et quatrième tomes « historiques », les deux auteurs semblent définitivement prendre leur envol car s’attardant comme jamais jusqu’à maintenant sur la perdition annoncée de la mère des gamins, qui sombre clairement dans l’alcoolisme. Brisés, ses enfants le sont tout autant, mais répondent chacun différemment au trauma, quitte à perdre leur connexion entre eux. C’est là que le script retourne l’ensemble, les confrontant à un nouveau plan de leurs ennemis invisible, qui use d’une couronne magique pour les attaquer avec des ombres devenues agressives. Un bon moyen pour Rodriguez de s’éclater visuellement avec des formes évanescentes et inquiétantes ou pour aboutir à un numéro entier composé uniquement de pleines pages. Une séquence qui sous couvert de montrer l’effet d’une clef « grandissante » se permet de jouer l’hommage appuyés aux grands films de monstres, voir aux affrontements finaux d’un Ultraman. En multipliant les clefs (celle qui fait changer la couleur de peau, qui actionne une boite à musique, qui permet de se transformer en animal…), les auteurs ouvrent les vannes à toutes les expérimentations, et avec un culot qui laisse souvent pantois. Des outils pour faire avancer l’histoire, pour donner à chaque chapitre son identité propre, sa structure, sa thématique unique, mais aussi pour livrer de vrais hommages à leurs ainés Bill Watterson, créateur de Calvin & Hobbes revisité en mode gore et Merlin l’enchanteur, et Jack Kirby dans sa période comics militaires comme Sgt Fury and the Howling Commandos. Et tout cela bien entendu sans jamais briser la logique magique et humaine de Locke & Key, creusant encore et toujours les évolutions de ses jeunes héros, étoffant constamment le mystère qui entoure la fameuse demeure et son passé, et les liens qui existent entre les différents personnages jusqu’à un retournement de situation aussi déchirant qu’inattendu.
Tour à tour spectaculaire, poétique, inquiétant, attachant, Locke & Key concrétise toutes les attentes et se montre toujours aussi habile à orchestrer avec minutie un drame aussi intimiste que surnaturellement épique.