LIVE MEMORIUM
France – 2024
Genre : Science-Fiction
Dessinateur : Benoît Bourger
Scénariste : Miki Makasu
Nombre de pages : 208 pages
Éditeur : Glénat
Date de sortie : 29 mai 2024
LE PITCH
Célibataire mal dans sa peau, Tomasu est comptable dans une entreprise qui fabrique des poupées sexuelles. Manipulé par son patron véreux, méprisé par ses collègues, il cumule les déboires au cœur d’une gigantesque mégalopole où la solitude lui pèse. Le jour où sa mère décède, sa vie bascule. Bouleversé par ce drame et poussé par son ami Usaji, il se décide à franchir le pas et de tester le « Live Memorium », une technologie illégale qui offre à ses utilisateurs la possibilité de replonger dans leurs souvenirs d’enfance et d’agir dessus.
Rêves d’enfants
Tout à fait français mais clairement très influencés par l’école manga, Miki Makasu (Double Me) et Benoit Bourger (Zaofan) décrivent un futur dystopique où les humiliations et la violence sont toujours aussi présents. Victime toute sa vie, Tomasu va redécouvrir sa vraie nature grâce au Live Memorium.
Ce seinen hexagonal s’inscrit dans un futur lointain non identifié, proche et assez lointain à la fois, mais qui se déroule avec évidence de l’autre coté du monde. L’esthétique noir et blanc, les lignes entrainées par traits de fuites et les trames, mais aussi les noms, les écriteaux et les physiques des personnage plongent le lecteur dans un Japon étonnement réaliste, sans clichés touristiques ou tics de narration trop visibles. Benoit Bourger avoue avoir eu son premier grand choc visuel avec le sublime Domu de Katsuhiro Otomo et son trait déborde de déférence pour cet auteur culte. L’omniprésence d’une urbanité débridée fourmillant de détails bétonnés, le réalisme très expressif des personnages, la dynamique du découpage et la reconstitution solide d’un quotidien futuriste marquent véritablement autant l’influence de l’auteur d’Akira que le coup de crayon particulièrement enthousiasmant d’un jeune artiste. Si son énergie peut parfois déborder des cases, bousculer les cadrages et se perdre un peu dans un fouilli visuel lors d’accélérations ou de déformations mentales, reste que Live Memorium entraine aisément le lecteur dans son univers et ses parti pris. Un récit qui malgré son grand attirail de SF, entre putes mécaniques et machines permettant de voyager dans les souvenirs d’enfance, s’efforce constamment de rester à échelle humaine.
L’homme qui avait trop de mémoires
Ces visions technologiques ne sont finalement là que pour amener le protagoniste principal à faire le chemin à rebours, revoir les moments de sa vie où il a accepté de se faire marcher sur les pieds, où il a manqué de discernement et de courage, et s’efforcer de rectifier le tir. De toute façon utilisé par son patron pour détourner de l’argent, humilié par ses collègues et incapable de se remettre du décès récent de sa mère : il n’a plus grand-chose à perdre. Une idée qui lui a été soufflé (avec frais offerts) par son meilleur amis Usaji arborant constamment un masque de mecha depuis qu’un accident l’a défiguré quand ils étaient petits. Il est beaucoup question ici de culpabilité, de dettes qui finalement aident moins à grandir que constituent une forme de frein à l’épanouissement. Du moins rien n’est si simple, car cette vengeance sur la vie a un prix et Tomasu finira par en payer le prix fort et perdre définitivement son identité dans le processus. Prenant et douloureux, Live Memorium est un peu un Eternal Sunshine of the Spotless Mind énervé, plus sombre et cru, mais où derrière le mal être des mégalopoles prochaines se loge un regard plus tendre sur l’amitié et les anciens amours.
Il faut espérer que ce duo d’auteurs va continuer à peaufiner ses nombreuses qualités et se reformera à l’avenir pour un nouveau one-shot du même accabit.