LITTLE MONSTERS T.1
Little Monsters #1-6 – États-Unis – 2022
Genre : Fantastique
Dessinateur : Dustin Nguyen
Scénariste : Jeff Lemire
Nombre de pages : 152 pages
Éditeur : Urban Comics
Date de sortie : 07 avril 2023
LE PITCH
Ils sont les derniers « enfants » en vie de notre planète… Ou, devrions-nous dire, les derniers jeunes vampires. D’aussi loin qu’ils s’en souviennent, ils ont vécu une vie d’éternel émerveillement parmi les ruines de l’humanité. Mais des événements d’une brutalité sans précédent viennent bientôt fracturer le groupe, les mettant sur la voie d’une découverte qui brisera leur innocence à jamais.
Génération perdue
Créateurs des séries Ascender et Descender, Jeff Lemire et Dustin Nguyen retrouvent après un détour réussi du coté de Robin & Batman les mondes de l’enfance désolé. Nous sommes toujours dans le futur, mais plus proche, et les enfants sont toujours livrés à eux même, mais ici point de robots, mais des vampires qui ne vont pas tarder à redécouvrir leur vraie nature.
Avec leur deux grandes séries Ascender et Descender, les auteurs ont donc exploré avec beaucoup de finesse et de poésie une enfance solitaire, désolée, et la nécessité de se construire et de grandir sans forcément une présence parentale. En ce sens, Little Monsters en est un prolongement direct car si l’univers du récit change totalement, le groupe de gosses qui habite la ville décharnée et déserte où commence l’album semble effectivement livré à lui-même. Les ruines d’une civilisation humaine, des bâtiments de béton sur le point de s’effondrer, un décor uniquement habité par quelques rats qui servent de moyen de subsistance et un soupçon de couleurs apporté par les petits dessins de Romie c’est ici le gris qui prédomine. Une approche graphique étonnante de la part de Dustin Nguyen qui nous avait habitué à des planches certes atmosphériques et plutôt impressionnistes, mais surtout colorées et marquées par une esthétique à l’aquarelle. Dans Litlle Monsters les planches sont presque exclusivement en noir et blanc, dégradés de gris avec des effets de tramage ou numérique assez marqués. Moins agréables, plus brutes, plus décharnées justement, ces illustrations font immédiatement peser un certains désespoir sur le monde ce ces pauvres enfants, dont l’espace et le temps semble si dilaté qu’ils ne savent même plus depuis combien de temps ils attendent là.
Canines de lait
Usant que quelques flashbacks remontant parfois loin dans le temps, les suivants dans leurs jeux et leurs petits échanges, Lemire présente tranquillement chacun d’entre eux (tous différents mais hantés par une même malédiction), et laisse volontairement l’arrière-plan se découvrir que lentement après la découverte d’un humain, adulte, blessé, qui va réveiller chez eux des instincts endormis. Car oui ces enfants là sont bel et bien des vampires et cela fait très longtemps qu’ils attendent le retour des anciens, et appétence retrouvée pour le sang humain va totalement chambouler l’équilibre qu’ils s’étaient trouvé. La série joue alors avec les codes du conte Peter Pan (les enfants qui ne voulaient pas vieillir) avec les tensions de Sa Majesté des mouches (quand la faim devient une question de pouvoir) et les investis dans un décorum gothique post-moderne aux accents de survival lyrique. Mélange sacrément étonnant et finalement assez osé qui donne effectivement à Little Monsters une atmosphère assez particulière, délétère et mélancolique, calme et sauvage, réaliste et fantastique, où les situations travaillent forcément les perceptions d’un lecteur touché par ces jeunes personnages en apparence fragile, définitivement perdus et oubliés, mais qui peuvent se révéler par nature d’authentiques monstres meurtriers et sadiques.
Comme le veut la tradition, ce premier tome ressemble surtout à une présentation de la série, exposant l’univers post-apocalyptique du récit, plaçant les enjeux à venir, distillant quelques pistes sur les évènements possibles à venir… à voir si la suite tiendra toutes ces belles promesses.