L’ÉTRANGE QUOTIDIEN DE CHRISTOPHER CHAOS T.1
The Oddly Pedestrian Life of Christopher Chaos #1-6 – Etats-Unis – 2023 / 2024
Genre : Fantastique
Dessinateur : Isaac Goodhart
Scénariste : Tate Brombal
Nombre de pages : 216 pages
Éditeur : Urban Comics
Date de sortie : 6 septembre 2024
LE PITCH
La veille d’une retraite importune, un détective de la vieille école se voit confier une affaire de meurtre qui le hante depuis des décennies. Malheureusement, Jim Sargent dit « Sarge » doit entraîner son fils Michael, adulte rongé par l’anxiété, dans l’aventure, sous peine de perdre à jamais la tête de l’affaire. Ce duo dysfonctionnel pourra-il surmonter ses propres blocages, ses aveuglements et ses non-dits pour la réussite de cette entreprise ?
People are Strange
Imaginée par James Tynion IV (The Nice House on the Lake, Something is Killing the Children, The Department of Truth, Batman…) pour sa plateforme Substack et pour une édition papier chez Dark Horse, le comics consacré aux aventures du curieux Christopher Chaos sera passé très rapidement d’une mini-série annoncée à un titre ongoing. La preuve que cette chronique ado fantastique a manifestement touché sa cible.
Dès que l’auteur James Tynion IV a réussi à définitivement implanter sa marque dans l’industrie des comics, il en a profité pour évoquer des sujets plus personnels et profonds, et en particulier sa découverte de son homosexualité et sa difficile quête d’identité durant son adolescence. Des thèmes déjà abordés dans des titres comme The Woods ou Wynd, avec toujours cette volonté de s’adresser directement aux jeunes gens qui pourrait se reconnaitre dans ces personnages. Si l’écriture de L’étrange quotidien de Christopher Chaos a été confiée à Tate Brombal (House of Slaughter, Barbalien…) et profite pleinement de ses talents et de son efficacité d’écriture, l’âme même du titre vient bien de Tynion. Tout comme cette réactualisation des anciennes créatures de contes et d’horreur gothiques comme Dracula, le loup-garou ou Frankenstein, transposés ici comme avait pu le faire Buffy il y a quelques décennies déjà (outch), dans un décorum des plus modernes. Des créatures terribles et menaçantes, que l’on dit disparues, mais qui sont surtout pourchassées par d’étranges hommes en blanc, mains armées d’une secte chrétiennes zélote dirigeant le pays.
Who’s Normal ?
Comme le veut la tradition post-moderne donc, ces jeunes vampires, lycanthropes, sorcières mystiques ou scientifiques fous redonnant vie aux morts (oui, c’est bien Christopher Chaos) représentent alors une « différence » qui serait rejetée, interdite, menacée et donc cachée. Notre jeune héros au look très improbable et coloré (faut aimer les short jaunes), mais surtout capable de percevoir le monde autrement va ainsi se découvrir de nouveaux amis, dont la créature de Frankenstein, et va avec eux enfin sortir du bois et s’affirmer autant par ses talents, que par sa personnalité autre et ses sentiments. La métaphore est désormais bien connue, et peut toucher tous les adolescents qui se cherchent un peu, et reste malgré les caricatures voulues, toujours très justes dans ses dialogues, dans la description des combats intimes des teenagers, et dans le développement de son univers surnaturel s’étoffant à chaque chapitre, restant accessible aux jeunes lecteurs comme multipliant les ponts avec les grands classiques littéraires ou cinématographiques. Prenant, sensible, plein d’humour et surtout rafraichissant, L’étrange quotidien de Christopher Chaos marque aussi des points grâce au travail visuel d’Isaac Goodhart (Eve of Extinction, Postal…) qui tout comme son modèle manifeste Mike Allred marie habilement l’émotion et la réalité de ses personnages avec un environnement fantaisiste, coloré et vif, quelque part entre la belle époque des Nouveaux Mutants de Marvel, le Teenwolf cinéma des 80’s et le glam plus marqué d’un Riverdale.
Très bon démarrage donc pour cette chronique adolescente et revival des Monsters à la sauce super-héros, qui rejoint fièrement la collection « jeuniste » Urbanblast affirmant son identité woke (non ce n’est jamais une insulte), son esprit décalé et son étrangeté.