LES SONGES DU ROI GRIFFU T.1 : LE FILS DE L’HIVER
France – 2022
Scénariste : Cyrielle Blaire
Illustrateur : Maïlis Colombié
Éditeur : Delcourt
Pages : 72 pages
Date de Sortie : 19 janvier 2022
LE PITCH
Un jour de solstice d’hiver, le jeune Owein et sa soeur Pellah surprennent dans les bois un ours solitaire. Sous leurs yeux émerveillés, la bête se métamorphose en homme et les deux enfants s’élancent sur sa piste. Cette traque les mène jusqu’au coeur de la montagne où ils assistent à un rituel interdit. Alors qu’ils fuient la scène, Pellah disparait dans la nuit…
Premières aventures
Découvreur de talent, Delcourt offre à la scénariste Cyrielle Blaire et à l’illustratrice Maïlis Colombié, l’opportunité d’explorer leur vision de la fantasy. Une fable médiévale aux contours classiques, mais où déjà émerge un véritable univers et une vraie poésie lyrique.
Pour une première création, prévue sous la forme d’un triptyque à forte pagination, Les Songes du roi griffu n’essaye même pas d’en mettre plein la vue. La narration se veut justement relativement classique dans sa présentation du récit, reprenant la voix d’un narrateur (dont on ne connaît pas encore l’identité) et qui conte au lecteur le destin de ce jeune Owein, qui n’aura de cesse de retrouver sa sœur, qu’il pense avoir été enlevée une nuit par un homme-ours. La culpabilité le nourrie, tout autant que son sens de l’honneur, son courage, comme tout héros campbellien qu’il est, mais aussi cette longue guerre qui oppose son seigneur, défendant sa place forte aux plus près de la montagne, et un peuple resté proches des anciennes croyances, d’une magie oubliée de tous. Modernité contre retour à la nature, Owein est immédiatement brossé dans l’entre-deux, sans doute plus ouvert et humain que les autres… Et il n’est pas fait de mystère que son destin est promis à de plus grandes choses encore que les premiers exploits évoqués dans Le Fils de l’hiver et qui l’amènent à sauver son seigneur d’une mort assurée et abattre à lui seul un ours géant. Comme l’annonce le titre même de la série, l’épopée de Owein doit aussi en passer par une part de fantasmagorie.
Les rêves du chasseur
Les rêves qui seront invoqués, le plaçant comme témoin d’une bataille qui n’est pas la sienne (passée ou futur ?) ou qui l’amène surtout dans l’antre d’un dragon blanc, semblent justement avoir des répercussions directes avec le « réel ». Solidement rédigé par Cyrielle Blaire, le scénario montre l’adolescent grandir d’année en année, devenir un authentique soldat, bientôt un guerrier, alors que la guerre s’intensifie autour de lui et que les notions de bien et de mal se font, logiquement, de moins en moins nettes, avec un petit final aux accents de Games of Throne. Une histoire vraiment prenante, bourrée de détails culturels, de personnages secondaires crédibles, qui s’avère particulièrement prenante. D’autant plus que cette fantasy bien plus portée sur le réalisme médiéval que sur une féerie trop voyante, est admirablement portée par le travail visuel très personnel de Maïlis Colombié. Réalisatrice de trois courts métrages animés (La Beauté est dans la rue, Sisters et Dix-huit kilomètres trois) elle possède un trait strié, légèrement naïf, pourtant réaliste et expressif qui met parfaitement en valeur les costumes et décors quasiment historiques, tout en distillant une atmosphère plus surnaturelle dont la tendance aux aplats et aux formes pleines n’est pas sans rappeler un certain Mike Mignola. A noter aussi l’excellente colorisation de Drac (Robert Sax, Cassandra).
Des qualités impressionnantes pour une première publication. Déjà conquis, on attend la suite avec impatience.