Présente dans le second volume des Nouvelles Complètes regroupées par Acte Sud en France, Les Migrants du temps part d’un postulat assez simple : dans un avenir proche, la surpopulation et l’effondrement des ressources de la planète oblige les autorités à créer une arche regroupant une grande part de la population cryogénisée, dans l’espoir que plus tard les conditions seront plus propices à un réveil collectif. A un ambassadeur et son comité de faire acte d’observation à plusieurs intervalles de leur choix, d’observer l’état de la planète, les évolutions des humains restés à la surface et d’officier les premiers contacts avant le possible nouveau départ. Une idée relativement simple, presque plausible tant elle fait écho autant à quelques avancées scientifiques qu’à de cruelles réalités environnementales, et que le texte  jusqu’au bout de sa logique décrit méthodiquement l’apparition de nouvelles civilisations différentes et variées.

Un grand pas pour l’humanité

Comme ce grand empire qui regroupe tous les états de l’hémisphère nord, en guerre avec l’hémisphère sud, et qui ne voit dans ces migrants qu’une force militaire supplémentaire qui pourrait renverser les équilibres. Comme cette société du plaisir enfouie sous terre et qui ne voit pas d’un très bon œil des nouveaux arrivants perçus comme arriérés. Ou enfin ces humains baignés dans un tout virtuel et qui y perdent peu à peu leur sens morale. Conçu un peu comme une compilation de théories possibles et de projections futuristes, Les Migrants du temps célèbre aussi comme il se doit le progrès scientifique, la structure sociale et le sens du sacrifice d’homme et de femmes au service d’une cause bien plus grande (nous somme en Chine oui ou non ?). Déjà présent sur les précédents Nourrir l’humanité et L’ère des anges, le prolifique Sylvain Runberg (Millenium, Zaroff, On Mars…) continue son excellent travail d’adaptation et de vulgarisation, retranscrivant avec sérieux et soin les intentions du romancier au format BD, s’efforçant surtout de laisser une bonne part d’évocation à son illustrateur Serge Pellé. Le camarade de la série Orbital, qui démontre une nouvelle fois ses grandes capacités pour donner corps à des géologies décharnées, quelques visions apocalyptiques ou idylliques, mais aussi des constructions futuristes épurées et stylisées, sans jamais se départir de son coup de crayon léger, de ses personnages assez épurés et de ses jeux délicats sur les matières et les couleurs.

Deux talents de la BD française au service de la vision d’un maitre chinois de la SF, ça peut aussi être ça la mondialisation.