LES ENFANTS DU CIEL
France – 2023
Genre : Aventure, Historique
Dessinateur : Bernard Vrancken
Scénariste : Stephen Desberg
Nombre de pages : 184 pages
Éditeur : Daniel Maghen Editions
Date de sortie : 21 septembre 2023
LE PITCH
Alexandre est archéologue. Il perd sa femme en 1936, sous le régime fasciste de Mussolini. Anéanti par le chagrin, il exige la vérité sur les circonstances de cette mort et ne pense qu’à se venger. Pour l’éloigner et le protéger, ses appuis l’envoient en Égypte pour mettre au jour le mystère historique du ralliement du peuple juif à l’Empire romain au Ier siècle après J.-C. Il ne pensait pas que ses recherches pouvaient résonner avec autant de justesse avec l’époque actuelle. Quelle vérité, dangereuse et cachée, surgira du passé ?
L’Aventurier de la vérité perdue
Créateurs de la longue série IR$, Stephen Desberg et Bernard Vrancken, s’offrent un détour du coté des beaux albums de Daniel Maghen. Un one-shot très grand format pour une aventure historique, entre archéologie, théologie, espionnage au cœur de la Seconde Guerre Mondiale.
De l’aube de l’ère chrétienne aux heures sombres du XXIème siècle, Stephen Desberg (Héritage Wagner, Le Scorpion…) compose une intrigue particulièrement complexe où se croisent les affrontements entre le peuple juif et l’Empire roman au 1er siècle après JC, et l’essentiel des belligérants de la Seconde Guerre Mondiale un peu plus de deux siècles plus tard. Archéologue fortement marqué par la mort de sa femme provoquée par un militaire mussolinienne, Alexandre s’est lancé dans une grande recherche de vérité. Celle discutée des écrits de Flavius Josèphe qui par son attachement à l’empire Romain, affirma l’idée de l’impossibilité d’une nation juive. Des évènements qu’aurait remis en question Juste de Tibériade, lui quasiment effacé des tablettes historiques et dont justement Alexandre recherche le témoignage. Il est y est aussi question de réécritures tardives où l’église catholique se serait empressé d’y ajouter la présence du Christ pour ses propres intérêts. A une époque où justement la bataille entre les propagandes fait rage, les recherches d’Alexandre résonne presque comme une quête sacrée qui attirent les intérêts de l’armée nazi (toujours prompts à récupérer les artéfacts des autres cultures), des Anglais (qui veulent garder le contrôle sur ses colonies), des russes (qui préparent déjà la guerre-froide) et bien entendu des palestiniens, car se joue là déjà les amorces de la possible naissance d’un état juif alors que les premières révélations sur des camps d’exterminations deviennent concrètes.
Antiquités
Les Enfants du ciel s’offre parfois quelques petits accents d’un Indiana Jones sérieux et purement historique lorsque l’album prend le temps d’accompagner le héros dans ses découvertes de temples oubliés, de vieux manuscrits tombant en poussières ou de peinture rupestres miraculeusement conservées, mais s’emballe surtout pour les batailles diplomatiques, les mouvements stratégiques et les remous géopolitiques qui s’activent dans l’ombres, multipliant les personnages (diplomates, militaires, agents allemands, assassin arabe, belle espionne russe…) et donc presque autant de flashbacks, d’ellipses et de lignes qui se croisent mais ne vont pas toujours dans le même sens. La lecture est à la fois fascinante et frustrante, l’imbrication façon vaste puzzle ne fonctionnant pas toujours et ne clarifiant surtout jamais vraiment le travail du lecteur qui se perd entre les époques, les réflexions mystique et philosophique et le grand sens de l’histoire et le chemin personnel d’Alexandre.
Un peu de simplification, de recentrage des enjeux n’auraient sans doute pas été un mal, surtout que Bernard Vrancken (Le Sang noir) profite clairement de cet échappement des enquêtes on ne peut plus contemporaines d’IR$ pour mêler superbement son traitement extrêmement réaliste avec des constructions et une colorisation (signée Colette Vercouter) plus atmosphériques, feutrées et mystérieuses. Au regard des pleines pages ou des doubles planches, on pense inévitablement à Lawrence d’Arabie, mais dès qu’apparaissent les pierres froides, les grottes oubliées et les nuits chaudes on revient partiellement à ce cher Indy. A noter aussi un superbe flashback de cinq pages évoquant l’ultime bataille des forces de Galilée contre l’armée romaine tout en lignes épurées et en aplats de noirs pas si loin de Frank Miller.
Les Enfants du ciel n’est pas toujours évidents à absorber, mais en tout cas ce très bel album fait voyager.