Malgré les premières apparences, l’album en présence n’est pas vraiment une BD structurée en succession de petits gags basiques. Reliés par la discussion entre un milliardaire collectionnant les grands portraits d’antan et une charmante journaliste, les différents épisodes qui le composent déclinent en quelques pages la nostalgie westernienne, cet autrefois peuplé de cowboys, d’indiens, de chercheurs d’or, de chasseurs de prime et de mythes iconiques. Certes la finalité repose toujours sur un petit twist essentiellement humoristique (mais pas tous), mais Olivier Supiot (Les Aventures oubliées du Baron de Münchhausen) prend le parti de construire à chaque fois un petit univers, d’y reprendre les codes du genre et de bien y inscrire ses personnages. Des petites nouvelles graphiques résolument absurdes où un pauvre bonhomme en slip est frappé par une malédiction qui tue systématiquement ceux qui tentent de l’assassiner, où un Jésus de Sante Fe menace par ses miracles un petit commerce locale et où Buffalo Yves, version franchouille du célèbre héros, fait de sa spectaculaire représentation devant la reine une terrible bavure historique.

Vous connaissez John Ouene ?

On reconnait d’emblée le ton de la revue Fluide Glacial où les planches ont été prépubliées, celles-ci n’hésitant pas à transformer de fiers représentants de la cavalerie en danseurs trav du french cancan. Mais on y dégotte aussi une bonne petite dose d’humour noir et méchamment ironique. En particulier lorsqu’un fier entourloupeur, inventeur auto-proclamé du « Marketingue » se fait prendre à son propre piège par les indiens qu’il tentait d’arnaquer. Une petite rencontre avec dame la mort et quelques frasques érotico-horrifiques dans le bayou plus loin, Les Cowboys sont toujours à l’ouest dépeint à grand coups de clins d’œil et de détournement divers, une vision branquignole de ce théâtre fantasmé où l’héroïsme viril se heurte autant à un mignon totem lapin qu’à une invasion extraterrestre digne de La Guerre des Mondes.  Les légendes de l’ouest sont veules, maladroits, pathétiques et immoraux, et reflètent directement par leur immoralité et leur cupidité l’industrialisation capitaliste qui va rapidement les remplacer. Avec des décors fouillés et réalistes et des personnages ouvertement plus caricaturaux, façon franco-belge, l’illustrateur Damien Geffroy (Veuves électriques) rebondit plaisamment sur cette double atmosphère de western semi-parodique, grands mentons et gros nez cohabitant avec jolies pépé et cervelles explosées par un bon coup de revolver. Quelques tribulations dépaysantes, plaisantes et un peu méchantes.