Ce premier tome des Chevalier de l’étrange vient en effet réveiller une longue tradition de littérature jeunesse, plus souvent en prose que dessinée, où de charmants gamins pleins d’esprit et de curiosité deviennent d’authentiques héros ne faiblissant pas face à une menace surnaturelle. Dans ce premier album, auto-conclusif, tout se déroule donc dans le petit village situé au pied du château aux Tours des Merle, entre les rues pavées bien tranquilles traversées par quelques passants, la place où on joue à la pétanque et surtout les vieilles ruines d’une demeure qui ne cesse de s’écrouler malgré les incessants travaux. C’est que cette dernière est sous le coup d’une très vieille malédiction. C’est la jeune Ambre, récemment marqué par le décès de sa grand-mère adorée, qui va le découvrir en tombant, « comme de par hasard », sur un sac contenant des bagues magiques : ces dernières permettent de voir les créatures surnaturelles ! Et donc en l’occurrence les vieux soldats squelettiques d’un ancien seigneur de guerre qui a juré la perte des Mortelune.

La bande des 3

Aidée par le bon camarade Ambre et l’excellente tireuse, Djamila, quarantenaire à qui on ne la fait plus, elle entend bien sauver la demeure et son héritage. Un album pour pré-ado plutôt classique mais rondement menée par la scénariste Anaïs Halard (Sacha et Tomcrouz, Abby & Walton…) qui clairement ne réinvente pas le genre, mais s’efforce tout de même de donner un peu de consistance aux personnages et à leur environnement, et surtout de retrouver ces sensations des aventures inventées par les gosses au fond du jardin pendant les longues vacances scolaires. Des trésors cachés dans les antiques statues ou dissimulées entre les murs, un vieux cachot oublié, des revenants certes agressifs mais qui ne font jamais peur, un grand méchant qui ne peut qu’échouer et même une vieille prof de musique qui déteste les animaux de son voisin et menace d’appeler les gendarmes…  L’écriture est accessible mais jamais pauvre, et le divertissement est emballé avec beaucoup de soin par les lignes douces et claires de Giusy Gallizia (Maruta, Block 109). Entre la ligne claire traditionnelle, quelques aspérités du manga, et de petits effets aquarelles bienvenus, les planches restent finalement assez discrètes mais avec un mélange de modernité et de nostalgie (pour les parents), très agréable.

Ce La Légende de Mortelune, conçu autour d’une histoire complète, ne se refuse bien entendu pas quelques petites pistes pour une suite à venir.