LES CENTAURES INTÉGRALES T.1&2
Belgique – 1977 / 1989
Genre : Fantastique
Dessinateur : Pierre Seron
Scenariste : Stephen Desberg, Mittéï, Pierre Seron
Nombre de pages : 384 pages
Distributeur : Mandibulles
Date de sortie : 31 décembre 2022
LE PITCH
Aurore et Ulysse sont deux jeunes centaures venus de l’Olympe et égarés sur notre Terre, parfois peu accueillante. En quête d’une porte du néant qui les ramènera chez eux, ils vivent des aventures à différentes époques de notre Histoire.
Un attelage de rêve
Après avoir secoué le petit monde des éditeurs home cinéma français, Le Chat qui fume étend ses efforts du côté de la bande dessinée en lançant les Editions Mandibulles. Et la première sortie marque immédiatement de fortes ambitions avec deux volumes intégraux de la série Les Centaures, autre création du papa des Petits hommes, et qui fit les belles heures de la revue Spirou dans les années 80.
Avec plus d’une quarantaine d’albums déjà réunis sous la forme de 11 volumes intégraux chez Dupuis, Pierre Seron est surtout connu pour sa série au long court Les Petits hommes. Un succès commercial jamais démentis mais dans l’ombre duquel la série plus restreintes Ulysse et Aurore Le Centaures, a tout de même réussi à trouver son public et faisait même souvent partie du peloton de tête des titres plébiscités par les lecteurs de Spirou, revue dans laquelle ces planches étaient prépubliés. Si Seron a bien entendu toujours eu une grande tendresse pour la comédie SF des Petits Hommes, il n’a jamais non plus caché sa fortes préférences pour Les Centaures qu’il s’amusa d’ailleurs à faire apparaitre, comme un coup de pub, dans les pages de l’aventure Le Volcan d’or. Il faut dire que l’évocation de deux créatures mythologique chassés de l’olympe et brinquebalés à travers l’histoire de l’humanité, lui permet en effet de renouer avec sa passion de l’antiquité, mais aussi d’aborder plus ouvertement des thèmes humanistes souvent délaissés par les autres publications enfantines. Même si le ton est souvent badin, que comme de coutumes les petits gags et les jeux de mots à tiroir pleuvent entre deux péripéties, Les Centaures n’hésite pas à confronter ses deux jeunes héros à la cruautés des hommes, leur fascination pour la guerre, leur égoïsme, le machisme même dans l’album complet Les Amazones. Là où ailleurs les combats entrainent quelques KO avec des cuicui qui tournent autour des têtes, Seron n’hésite jamais à laisser couler discrètement quelques gouttes de sang ou à évoquer, par une excellente utilisation de l’hors-champ, des exécutions plus terribles encore. Presque comme une note d’intention, l’auteur du d’ailleurs batailler pour préserver la nudité partielle de ses jeunes héros, l’éditeur n’appréciant pas vraiment de laisser apparaitre la poitrine naissante d’Aurore qu’il aurait préféré dissimuler derrières quelques coquillages ridicules.
Au galop et au trot
Pierre Seron disait: « Les Centaures, c’est mon œuvre à 100% ! Je ressens cela dès que je pose mon crayon sur la feuille. Je suis très intéressé par la mythologie grecque et il est clair que des histoires comme L’Odyssée nourrissent profondément cette série. » S’imposant bien moins de pression que sur « l’alimentaire » les Petits hommes, il voguait donc avec Les Centaures au gré de ses inspirations et de ses envies. Le titre pris ainsi la forme de quelques courtes pages au départ, jouant volontairement sur l’anachronisme d’envoyer les personnages dans une France toute contemporaine (où il seront la cible d’un chasseur), de leur faire vivre une rencontre avec le fameux Père Noël (totalement inédit en album), avant que les récits prennent plus de coffre et d’importance comme dans L’Étoile du nord où le décor de la Guerre de cession permet d’évoquer l’esclavagisme et le racisme, jusqu’à trouver pleinement son identité dans les derniers L’Odyssée, Les Amazones et Les Châtiments d’Hermès en revisitant plus directement les mythes et grands textes antiques… Avec toujours un haut degré de fantaisie. Toujours charmantes, dépaysantes, toujours prenantes et divertissantes, ces aventures portent inévitablement la marque d’une certaines écoles franco-belge, l’identité « Spirou » (même si les derniers épisodes furent publié par Mc Production puis Soleil) autant dans le ton que dans l’approche graphique. Un délié tout en finesse, en rondeur et simplicité qui, malgré des arrières plans souvent bien plus fouillés que ses collègues, rappelle naturellement le travail de Franquin (il participa d’ailleurs à la reprise de Modeste et Pompon après son départ) avec une expressivité plus prononcée à la Tabarly.
Enfin regroupé dans leur intégralité, et dans l’ordre de leur publication, les aventures d’Ulysse et Aurore sont un véritable plaisir à redécouvrir dans des conditions aussi luxueuses : superbes volumes à couverture mates, papier épais, planches restaurées et à chaque fois accompagnées des reproductions de couvertures et autres illustrations, ainsi que des cahiers d’une vingtaines de pages racontant les coulisses de la série ou revenant sur les références mythologiques. On y trouve même les deux planches d’une parodie érotique concoctée par Seron en personnage. De sacrés objets pour les collectionneurs.