LES CAUCHEMARS DE MIMI
ミミの怪談 – Japon – 2002/2007
Genre : Horreur
Dessinateur : Junji Ito
Scénariste : Junji Ito
Nombre de pages : 200 pages
Éditeur : Mangetsu
Date de sortie : 25 octobre 2023
LE PITCH
La jeune Mimi mène une existence simple, mais l’horreur étend son ombre dans chaque recoin de sa vie : sous la tenue noire de jais de son énigmatique voisine, au fond de l’épaisse forêt qu’elle traverse au cours d’une promenade, dans le cimetière qui jouxte son appartement ou au creux des flots sombres de son lieu de vacances.
L’horreur au coin de la rue
Si Delcourt réédite les grands classiques de l’œuvre de Junji Ito, Mangetsu nous gratifie mois après mois de recueils inédits, souvent étonnants et toujours mis en valeur par un vrai travail d’édition. Les Cauchemar de Mimi est d’ailleurs un album que même les Japonais avaient oublié…
C’est justement en faisant des recherches pour obtenir les droits pour une publication française que Mangetsu a réveillé l’intérêt de l’éditeur nippon qui en profita pour lui offrir une authentique restauration ainsi qu’un bonus avec un récit inédit, dans le même ton, mais publié au départ quelques années plus tard. Bonne surprise dans tous les cas de découvrir ces nouvelles histoires horrifiques concoctées par le maitre du genre… mais qui pourtant ici ne fait « que » un travail d’adaptation. A l’origine il y a donc les Shin Mimibukuro, soit une série d’ouvrages rédigés par Hirokatsu Kihara et Ichiro Nakayama qui compilent volume après volume un travelling aussi complet que quasi journalistique de toutes les légendes urbaines ou fait divers curieux qui habitent le japon. Un peu un pendant moderne aux fameux Kwaidan et qui travaille donc surtout une horreur de proximité, apparaissant dans les ruelles bien modernes, dans les appartements d’à côté, les terrains vagues voir même quelques lieux touristiques. Forcément, en reprenant certaines de ces histoires, quitte apparemment à en compiler parfois plusieurs dans les mêmes pages ou en les transformants légèrement, Junji Ito met souvent de coté ses débordements body horror, ses délires plus mystiques ou délirants, et propose un ton plus posé, plus atmosphérique et un trait légèrement plus réaliste.
Urban Legends
Ce n’est pas là un changement drastique dans son style, mais plutôt un léger rééquilibrage qui donne naissance à un recueil peut-être plus accessible que d’habitude. Toujours aussi inquiétant cependant, l’auteur est capable d’hanter le lecteur avec ces curieuses voisines aux membres de métal qui font fuir en une nuit le voisin trop bruyant, cette vision d’une sorcière postée sur son poteau électrique ou cette horrible pendue qui exsude d’étrange masses noires et qui suit les promeneurs de son regard froid. Ito cultive aussi l’incongru en s’attardant sur une étrange pièce découverte sous le sol d’une maison dont les habitants disparaissent l’un après l’autre, ne laissant comme trace qu’une tache rouge qui s’étend et devient de plus en plus vive. Certaines histoires ne font que deux-trois pages, d’autres s’étendent plus largement comme cette terrible plage habitée par les esprits des noyés, ou cette mère immolée qui poursuit son enfant au de-là de la mort, mais toutes cultivent une certaine forme d’inexplicable, de mystérieux où le surnaturel envahirait brutalement le quotidien. Trouvaille de l’auteur, c’est bien celui de l’héroïne Mimi, et de ses amis, qui est constamment perturbé par ces apparitions. Une héroïne par procuration qu’il aurait été aisé de laisser transparente pour la laisser au service des historiettes, mais que le mangaka fait légèrement évoluer de pages en pages tout en développant par ellipse sa relation avec son petit ami bien plus cartésien qu’elle. De recueil de nouvelles graphiques, Les Cauchemar de Mimi se pare ainsi d’une certaine unité, d’une certaine logique, qui en fait l’une des nombreuses réussites du monsieur.
Publié en 2007, soit quatre ans après le dernier chapitre du cœur du volume, Pantin hanté complète parfaitement le programme avec une attraction de maison hantée particulièrement lugubre et un hurlement cauchemardesque qui semble jaillir des pages. On a toujours un peu l’impression que même l’ouvrage refermé les contes maudits de Junji Ito pourraient venir nous poursuivre dans notre réalité…