L’ENFER POUR AUBE T.1 : PARIS APACHE
France – 2022
Genre : Policier, Aventure
Scénariste : Philippe Pelaez
Illustrateur : Tiburce Oger
Éditeur : Soleil
Pages : 68 pages
Date de Sortie : 02 mars 2022
LE PITCH
Dans le Paris du début du vingtième siècle, des notables sont éliminés les uns après les autres par un étrange Inconnu au visage recouvert d’une écharpe rouge. Celui-ci, qui n’oublie jamais de laisser un Louis d’Or près de chacune de ses victimes, œuvre de concert avec les redoutables Apaches pour semer la terreur dans la capitale. Dans quel but ?
Les monstres de Paris
Meurtres et attentats s’enchaînent dans le Paris du début du XXème Siècle. Un décor à la Hugo contaminé par l’esprit des pulps avec cette figure vengeresse à l’écharpe rouge qui tient autant de Fantômas que du proto super-héros.
Artiste complet que l’on a pu croiser comme scénariste sur L’Auberge du bout du monde ou illustrateur sur Les Chevaliers d’Émeraude, Tiburce Oger est bien connu des lecteurs de bonnes BD pour son style très marqué, extrêmement fluide, presque liquide, et constamment en mouvements changeants. Un coup de crayon particulièrement fouillé aussi qui habillement densément chaque page et chaque case par de nombreux détails et ambiances. Traité ici dans un très beau lavis de gris uniquement rehaussé de marques rouge sang, L’Enfer pour aube impose avec brio un Paris perdu, celui des débuts de la révolution industrielle, du croisement entre la grande modernité en marche (le métro, les grands magasins, la tour Eiffel…) et une âme prolétaire résistante prenant corps dans les hordes d’apaches qui s’extraient des bidonvilles de la périphérie. Une époque bénie pour la bourgeoisie de la capitale, beaucoup moins pour les défavorisés encore et toujours hantés par les massacres et exécutions perpétrés contre la Commune.
La révolte des apaches
C’est dans cette atmosphère particulièrement tendue et opaque, que Philippe Pelaez (Le Bossu de Montfaucon, Maudit sois-tu) installe son roman policier, lançant sur les traces de ce mystérieux justicier deux enquêteurs, l’un atteint d’une addiction dévastatrice à certains médicaments, l’autre conspué par les collègues car originaire des faubourgs, presque plus ralentis par la haute société que par la délinquance locale. Les meurtres de plus en plus spectaculaires s’enchaînent, la rumeur et la peur monte, alors qu’il se fait de plus en plus clair que tout cela a bien entendu un lien avec la répression de la fameuse insurrection tout autant qu’avec une lutte des classes plus du tout métaphorique. Des thématiques profondément historiques, mais pourtant toujours actuelles, surtout lorsque l’homme masqué lâche la maxime latine « Virtus Post Nummos » (l’argent d’abord, la vertu ensuite) devant chacune de ses victimes. Certes l’identité même du personnage s’avère assez prévisible et, au demeurant, assez classique, mais la qualité d’écriture qui retrouve avec énormément de naturel le phrasé typique de l’époque, et cette volonté de redonner à la culture populaire une figure stylée, charismatique à la fois typiquement hexagonal et digne des comics américains, fait particulièrement mouche.
Une sorte de cousin des membres de la fameuse Brigade chimérique de Serge Lehman, aux accents plus littéraires, romanesques mais qui participe d’un même mouvement de réappropriation des codes pulp qui fait plaisir à lire. Suite et fin dans le prochain tome.