L’ENFER C’EST LES HÔTES
France – 2024
Genre : Fantastique, Comédie
Dessinateur : Lionel Richerand
Scénariste : Karibou
Nombre de pages : pages
Éditeur : Pataques
Date de sortie : 17 janvier 2024
LE PITCH
En attendant que les pécheurs se pressent en masse aux portes de l’Enfer, l’archange déchu fait visiter son nouveau domaine en construction à Caïn et lui présente les différents démons qui animeront cet espace. Durant leur périple, entre discussions absurdes, rencontres étranges et partages de traumas (notamment la relation au père), les deux protagonistes développeront une amitié atypique.
A bonne adresse
Karibou ne respect rien. Surtout pas les légendes de la Fantasy, les grands chapitres de l’antiquité et les textes sacrés. Sa dernière création plonge dans les pages de la Bible et nous offre la rencontre presque chaleureuse entre Satan et Caïn dans un enfer en cours de finition. Cerise sur le gâteau, c’est illustré par le très doué Lionel Richerand (Mauvais sang).
Après avoir détourné un fameux épisode de L’Iliade avec Troie zéro ou transformé le brave Conan en philosophe pacifique, Karibou s’en prend donc directement à la sainte Bible. Ou en tous cas à l’un de ses décors les plus populaires : l’enfer. Mais attention, quand débute l’album, ce dernier n’est pas encore terminé, la peinture n’a pas eu le temps de sécher et clairement les démons ne sont pas franchement au point sur leur mission et leurs personnages. Pourtant dieux, à croire qu’il l’a fait exprès, y envoit son premier damné, Caïn, fratricide passé à la postérité depuis. Que faire de lui alors, de sa curiosité, sa bonne humeur, et disons le tout net, sa bêtise qui commencent déjà à mettre à mal la brave entreprise naissante. Au diable donc (ou Satan, ou Shaitan, ou Pazuzu, ou Roger) de faire office à la fois de guide et de gardien au travers d’un décors déjà bien grandiose (pourquoi faire une porte d’entre aussi grande ?) mais terriblement vide. Un nouveau duo comique est né, le diable faisant office de clown blanc, subissant inlassablement les questions incongrues, déplacées ou gênantes d’un Caïn sans gène qui ne semble vraiment jamais prendre la mesure de son destin et de ce que signifie passer le reste de son existence dans un tel lieux de souffrance et de damnation.
Work in progress
L’humour de Karibou née une fois encore là dans la confrontation entre un décorum au départ extrêmement sérieux et référentiel, et l’absurdité totale du regard qui lui est porté. Derrière Caïn se cache une humanité qui effectivement ne l’aura pas totalement volé lorsqu’il sera question de jugement dernier, mais si le personnage souvent agaçant dans sa naïveté consternante, il est aussi capable d’assener quelques vérités à ce brave Diable avec qui il partage effectivement une relation houleuse avec un paternel peu enclin au dialogue et au pardon. Construit comme une longue traversée au travers des cercles (enfin pour l’instant des hexadécagones, mais ça va venir) de l’enfer, L’Enfer c’est les hôtes se lit comme une longue discussion entre deux figures métaphoriques du mal particulièrement larguées. Si chaque page délivre son petit gag avec sa propre chute, la BD ne tombe jamais dans les blagues faciles et les gros effets, préférant viser les sourires entendus, l’incongru et l’ironie gentiment hérétique. Autre preuve de l’élégance de la proposition, les planches de Lionel Richerand évitent les esquisses et les gros traits habituels, voir les dessins figés et répétitifs de ce type de comédie préférant un trait particulièrement fin, jamais très loin de l’expressivité du dessin animé, et jouant sous une colorisation rouge-rosée, de superbes décors infernaux et de quelques designs de démons joliment grotesques. On y vient pour faire des rencontres, on y reste pour l’ambiance.