L’ÉCOLE EMPORTÉE T.1
漂流教室 – Japon – 1972
Genre : Horreur
Scénariste : Kazuo Umezu
Illustrateur : Kazuo Umezu
Editeur : Glénat
Pages : 368 pages
Date de Sortie : 07 juillet 2021
LE PITCH
Le manga le plus célèbre de Kazuo Umezz narre la disparition brutale d’une école primaire et de tous ses occupants, mystérieusement projetés dans un monde désertique, dépourvu de vie, où le sable dispute à un ciel aux brumes obscures les limites incertaines de l’horizon noir. Complètement dépassés par la situation, les adultes chargés de la protection des enfants vont se révéler incapables d’assurer leur rôle. Certains laisseront libre cours à leur folie naissante, d’autres préféreront le suicide. C’est dans ce monde que les enfants, désemparés, à court de repères tant familiaux que géographiques, se devront à eux seuls de s’accorder l’espoir d’une survie improbable.
Échoués dans le temps
Seconde édition française pour le classique du manga d’épouvante, L’École emportée. Un survival éprouvant pour les élèves d’une école primaire confrontés à un monde dévasté. 50 ans après, le manga est toujours aussi tétanisant.
Pas encore reconnu à sa juste valeur par chez nous, Kazuo Umezu est pourtant hissé au japon quasiment au même niveau que le titan Osamu Tezuka. Deux auteurs apparus à la même époque, ayant connu les mêmes tragédies nationales, mais qui finalement auront exploré des branches du manga sensiblement différentes. Là où le premier se sera essayé à presque tous les genres possibles (presque), le second sera rapidement devenu le fer de lance, puis l’inspiration des générations suivantes, pour le manga d’horreur. Si on a pu trouver difficilement en France des traductions de Le Vœu maudit et La Maison aux insectes (Le Lézard noir) ou Baptism (Glénat), L’école emportée reste sa création la plus célébrée, déjà proposée en 2004 par Glénat dans sa collection mini Bunko (avec Urusei Yatsura et Black Jack), et réédité aujourd’hui dans un plus large format et en quatre volumes. Pas de soucis car les années qui passent ne semblent pas atteindre, ou à peine, cette aventure hors du temps qui aurait pu se dériver en aventure shonen avec son charmant héros, gamin difficile mais au grand cœur, si le récit ne s’était pas tourné vers une description tristement réaliste de la nature humaine.
Excursion scolaire
Transporté sans aucune explication (et on en n’aura jamais) dans un futur lointain où la terre a entièrement été transformée en désert nucléaire, les élèves d’une école vont devoir dépasser la peur, les désespoir et la faim pour espérer survivre. Surtout, ils doivent réussir à résister aux adultes, ici les professeurs ou le responsable de la cantine, révélant tous face à cette situation absurde et inconcevable, un niveau de lâcheté, de brutalité et d’égoïsme terrifiant. Un monde gangrené par les générations précédentes, toujours abîmé par les adultes représentants d’un ordre fragile mais autocratique, que les gosses doivent reconquérir et tenter de refaçonner… Non sans reproduire les échecs de leurs aînés comme dans le modèle Sa Majesté des mouches. Ici aussi rien n’est épargné aux jeunes héros, mais avec une violence redoublée, frontale et terminale, rendant certain passage certainement encore éprouvant aujourd’hui, non par de simples débordements sanglants, mais par le fatalisme de ces morts et la crudité de leurs illustrations. L’école emportée est fortement influencé par les traumatismes qu’a connu le Japon pendant et après la guerre, entre les bombardements, l’explosion nucléaire, la récession et l’occupation américaine, mais le manga est aussi surtout un reflet des remous sociétaux du pays dans les années 70, et plus largement de tous les mouvements de contestation de la décennie dans le monde.
Révolte sociétale, politique, écologique et générationnelle, L’école emporté est certes un manga de son temps, et le style très typé de l’auteur est là pour le rappeler, mais l’horreur de sa situation, l’aspect cathartique de son cadre et des révélations à venir, n’ont pas pris une ride. Ils peuvent directement interpeler (malheureusement) les générations actuelles de lecteurs ayant eux aussi, hérité d’une situation plus qu’inquiétante dont ils ne sont pas responsables. Le cauchemar en héritage.