L’ÉCOLE DÉCOMPOSÉE
溶解教室 – Japon – 2013
Genre : Horreur
Dessinateur : Junji Ito
Scénariste : Junji Ito
Nombre de pages : 198 pages
Éditeur : Mangetsu
Date de sortie : 06 septembre 2023
LE PITCH
Le jeune Yûma et la petite Chizumi sont deux orphelins sans attaches. Lui se confond en excuses et en flatteries auprès de ses nouveaux camarades de classe, tandis que la fillette terrorise passants et voisins. Mais les airs contrits de l’aîné et le rire démoniaque de la cadette cachent de sombres penchants et répandent l’horreur partout où ils vont…
« Pardon, pardon, pardon »
Encore un inédit de l’œuvre de Junji Ito qui rejoint la belle collection dédiée confectionnée par Mangetsu : L’école décomposée. Un titre en hommage au grand Kazuo Umezu (L’école emportée) mais un essai qui tourne plus largement vers la farce que vers l’horreur pure.
Prépublié dans la courte revue Motto ! de l’éditeur Akita Shoten, les cinq chapitres réunis dans le présent volume s’intéressent à un bien drôle de duo digne du comique Manzai. Yuma est un jeune garçon tout en longueur, stoïque et blafard sauf lorsqu’ils se lance dans de grandes excuses envers toutes les personnes qu’il croise, acceptant de se faire humilier ou piétiner tout en continuant ses suppliques. A l’opposé, sa petite sœur Chizumi, multipliant les grimaces, les cris et les menaces poursuit les gens dans la rue (et en particulier un pauvre gosse pour lequel elle a le béguin) menaçant de leur sucer la cervelle. Naturellement, il y a un peu de vrai là-dedans puisque effectivement les interminables excuses de Yuma ont rapidement tendance à véritablement liquéfier les cerveaux de ses cibles (qui coulent par le nez comme un très mauvais rhume) puis littéralement à les transformer en jus d’humain que s’empresse de déguster Chizumi parfois à même le sol. Du gore absurde à l’état pur façon Street Trash qui va se décliner durant les quelques chapitres qui composent cette histoire en se déplaçant d’un lycée à un appartement avec quelques soucis de voisinage, ou va légèrement varier lorsqu’il s’avère que les inlassables compliments de Yuma envers ses petites amies les enlaidies de jour en jour… jusqu’au grotesque absolu.
Charmante famille
Impossible de ne pas signaler la présence des parents des deux jeunes gens, tour à tour sous la forme de cranes putréfiés cachés dans un placard ou sous celle de cadavres ambulants humiliant leur fils et l’insultant de tous les mots. On est ici clairement dans le versant plus « humoristique » et décalé de l’œuvre de Junji Ito, détournant la belle image de la famille nippone classique unique et bien intégrée, pour en faire une parade infernale, bruyante, puant la décomposition et pourrissant le quotidien des personnages qu’ils croisent. De l’humour bien noir et des détails méchamment glauques qui se moquent ouvertement de certains travers de la culture japonaise, et en particulier de cette tendance aux excuses publiques permettant de se faire pardonner toutes les fautes et tous les mots, et ce sans une once de sincérité nécessaire. L’auteur pousse sa logique jusqu’au bout, y ajoute une petite dose de sorcellerie baroque et d’ironie vacharde et saupoudre le toute de quelques visions monstrueuses bien inspirées. Et même si L’École décomposée n’est pas forcément son manga le plus incontournable, reposant finalement surtout sur des situations qui se répètent rapidement, le comique cruel et malsain et la personnalité délirante du duo leur offrent une belle place parmi la galerie de monstres de l’auteur.
L’édition de Mangetsu est toujours aussi soignée avec couverture en dur, jaquette avec titre en surbrillance, préface un peu absconse et analyse critique signée Morolian, mais aussi deux très courtes nouvelles inédites : Retrouvailles (pas formidable) et Les Enfants de la terre reposant sur une idée visuelle sobrement dérangeante.