LE LABEUR DU DIABLE
France – 2022
Genre : Policier, Thriller
Dessinateur : Geanes Holland , Babbyan Holland
Scenariste : Fathi Beddiar
Nombre de pages : 144 pages
Distributeur : Glénat
Date de sortie : 23 novembre 2022
LE PITCH
Los Angeles. Webster Fehler, 40 ans, souffre du mal existentiel qui touche la majorité de la population angeleno : la dépression. Son quotidien ne se définit qu’à travers l’isolement et la frustration. Webster n’a personne à aimer, ni à qui parler. Il subit le poids d’une existence au rabais dans un cabinet d’avocats où il n’essuie que mépris et reproches. Jusqu’au jour où le destin intervient d’une façon sournoise.
Parental Advisory
Avec Le Labeur du diable, le trio composé de Fathi Beddiar (au scénario), Babbyan et Geanes Holland (au dessin) nous livre une excellente bande-dessinée âpre et violente, avec comme toile de fond la cité des anges, Los Angeles, qui semble n’avoir jamais si mal porté son nom…
Ancien rédacteur chez nos confrères de Mad Movies, auteur d’un livre sur le phénomène « Vigilante » au cinéma en 2008 (Tolérance zéro) devenu depuis une référence, complice du réalisateur Fabrice Du Welz (sur le film Colt 35 ou encore les podcasts Obsession dédiés aux sorties cinéma de l’éditeur Carlotta), Fathi Beddiar est un nom qui compte dans le monde de la cinéphilie française.
C’est donc avec une certaine surprise qu’on le retrouve ici à l’origine d’une bande-dessinée, même s’il avait déjà scénarisé le troisième tome de la BD Le Bal de la sueur : Code T.P.C. il y a déjà plus de 20 ans en 2001. Passionné par Los Angeles et spécialiste de sa police, la LAPD, le cinéphile nous livre avec Le Labeur du diable une plongée pour un public averti dans l’enfer moite d’une cité californienne gangrenée par le crime et la violence. Car avec son duo de dessinateurs formé par l’italien Babbyan et le brésilien Geanes Holland, l’outrance du scénario est rendue avec force : ici les têtes explosent sous les détonations et les scènes de sexe explicites se déploient dans une atmosphère parfois réaliste, puis carrément apocalyptique.
Un jouet dangereux
Faisant songer au L.A. de la franchise de jeux vidéo GTA ou encore du percutant film Menace 2 Society des frères Hughes, Le Labeur du diable est évidemment truffé de références filmographiques, ce qui permettra aux lecteurs de relire l’œuvre sans problème à plusieurs reprises pour savourer les nombreux clins d’œil de l’auteur au septième art. L’histoire s’attache au parcours d’un bureaucrate tourmenté et dépressif, célibataire endurci, frustré sexuellement, au bord du suicide. Malmené par ses collègues et par à peu près toute la « faune » de Los Angeles, Webster Fehler va, à l’instar d’un Michael Douglas dans Chute libre, littéralement péter un plomb, guidé par une petite voix intérieure (le Diable ?) le poussant dans une quête meurtrière en guise de revanche.
La trouvaille providentielle d’une arme et d’un insigne d’un flic en civil facilitera son action punitive et libératrice. La fascination pour l’arme à feu, fléau américain s’il en est, renvoie aussi à des films plébiscités par le scénariste. On songe évidemment à Un Jouet dangereux de Giuliano Montaldo (toujours indisponible dans nos contrées) où un comptable campé par Nino Manfredi reprenait de l’assurance grâce à un pistolet, et sombrait du même coup dans la misanthropie…
Enfin, la BD nous propose un large supplément, sorte de making-of, où Fathi Beddiar revient sur la genèse du projet (une idée de film et une anecdote glanée auprès d’un policier de la LAPD) et nous livre ses innombrables références littéraires, musicales… Une véritable plus-value pour un album coup de poing, au sujet maîtrisé et au graphisme impressionnant de noirceur, qui une fois refermé nous donne envie de rapidement lire la seconde partie qui sortira en 2023.