LE VOYAGEUR
France – 2023
Genre : Fantastique, Drame
Dessinateur : Joël Alessandra
Scénariste : Théa Rojzman
Nombre de pages : 150 pages
Éditeur : Éditions Daniel Maghen
Date de sortie : 23 mars 2023
LE PITCH
Patrick, gardien de musée au Louvre, passe ses journées avec La Joconde. Mais à force de la voir toute la journée, sourire en coin et bras croisés, le gardien ne la supporte plus. Jusqu’à ce que Mona Lisa l’appelle à le rejoindre… à l’intérieur du tableau !Le plus grand voyage est intérieur…Un homme se retrouve malgré lui coincé à l’intérieur du tableau de La Joconde. Arpentant ses paysages, il fait d’étranges rencontres qui lui révèlent progressivement la formule pour briser sa solitude : nul ne peut trouver l’amour sans avoir au préalable pris soin de s’aimer soi-même.
Une vie au musée
Surexposée, survendue, étudiée sous toutes les coutures, mise à nue et barricadée derrière une armure de verre, La Jaconde préserve ses multiples secrets, dont celui d’élever les âmes. Un beau livre édité par Daniel Maghen, éditeur de BD et galeriste, où l’art est plus que jamais la clef vers la compréhension de soi.
Avec des propositions comme Emilie voit quelqu’un ou Le Carnet des rêves, Théa Rojzman s’est souvent nourrie de ses études de philosophie et de thérapie sociale pour venir questionner l’identité de ses personnages, les amener à se livrer, se découvrir pour mieux se réinvestir dans leur vie. C’est clairement une nouvelle fois le sujet de Le Voyageur, dans lequel un gardien de musée un peu triste, écrasé par la présence d’une mère castratrice, hanté par le secret entourant l’identité de son père, incapable de communiquer avec ses collègues et de prendre ne main son propre destin, va finalement tout remettre en cause à l’orée de ses 50 ans. Un petit monsieur perdu dans un quotidien maussade et monochrome qui va être simplement transfiguré par sa redécouverte d’un tableau qu’il côtoie depuis toujours : La Jaconde. Un détail, une relecture, une attention nouvelle et le voilà qui se voit projeté dans la Toscane de Leonard de Vinci où il va approcher les origines du tableau (d’une certaine façon) mais aussi traverser la vie du peintre, rencontrer certains de ses contemporains, voyager dans ses créations pour mieux s’approcher finalement de ses névroses et du carcan qui l’empêche de respirer.
Voyage en Italie
L’art est libérateur, le syndrome de Stendhal l’une des plus belles pathologies au monde, et le monde retrouve alors des couleurs, de l’embellie alors que « patôche » s’affirme au travail, à la maison et finalement réussi à faire les yeux doux à la petite dame de l’accueil qu’il n’avait jamais oser vraiment approcher. La lecture aurait pu effectivement s’avérer fastidieuse si l’autrice avait opté pour la pure démonstration, l’exercice psychanalytique appliqué, mais elle préfère l’atmosphère du conte adulte, de la promenade fantastique et laisser les coudées franches à son illustrateur Joël Alessandra (A Fleur de peau, Taï Dam, On la trouvait plutôt jolie…). Celui-ci baigne le récit dans un réalisme esquissé, avec des contours rapidement brossés et tremblants comme pour un carnet de voyage où la rigidité du découpage en case peut rapidement laisser place à des pages qui s’étiolent, se mêlent et s’étendent dès que l’imaginaire et la peinture prennent toute leur place. Le travail sur les couleurs est d’ailleurs admirable avec cette « réalité » tout en bleus délavés et ses peintures qui elles capturent la couleur et la diffuse peu à peu comme si le protagoniste en ramenait progressivement de ses allers-retours vers cet ailleurs.
Une vraie déclaration d’amour à la force de création, à la peinture, la sculpture et l’art en général, et une jolie chronique pleine d’espoir pour un monsieur comme tout le monde qui un jour est tout bonnement foudroyé par la beauté du monde.