LE SARCOPHAGE DES ÂMES
France – 2022
Genre : Fantastique
Scénariste : Serge Le Tendre
Illustrateur : Patrick Boutin-Gagné
Editeur : Drakoo
Pages : 48 pages
Date de Sortie : 02 février 2022
LE PITCH
Shaalem, fin de siècle. Olivia, jeune veuve métisse, est accusée de sorcellerie. Elle ne trouve le salut qu’en confiant sa fille, Mercy, à sa meilleure amie, tenancière d’une maison close. Hélas, l’épouse du juge local, Miss Ruth Taylor, s’y oppose et prend l’enfant en charge. Mercy va alors être manipulée pour tendre un piège diabolique à sa mère… Un piège où l’occupant d’un étrange sarcophage n’attend qu’une chose : revenir à la vie !
Vieilles histoires
Après le diptyque Terence Trolley, Serge Le Tendre retrouve Patrick Boutin-Gagné pour un album court mais débordant de sorcellerie et d’enchantements. Un one-shot efficace… oui mais et si ?
Pour certains habitants de Shaalem, Olivia Newton a trois gros défauts : c’est une femme, elle est éduquée et elle est noire. Et sa demande d’explorer les recoins du cimetière de la ville à la recherche de reliques historiques n’est clairement pas à leurs goûts. Ainsi, dans un grand élan de progressisme intellectuels, ils décident de s’en prendre à sa maison et y mettre le feu. Ce qu’ils ne savent pas, c’est que celle n’est effectivement pas étrangère à la magie et qu’un ancien pouvoir guette dans les ombres d’un tombeau oublié depuis des lustres. Grand scénariste de BD dont on ne pourra jamais oublier la saga de La Quête de l’oiseau du temps, Serge Le Tendre compose ici une « simple » aventure en un seul album. Exercice pas si évident que cela puisqu’il faut réussir à y incarner ses personnages en quelques cases tout en délivrant une aventure au souffle suffisant. Avec une trame relativement classique portant sur le corps d’un ancien sorcier prisonnier de son sarcophage et attendant une nouvelle incarnation promise par une secte de mégères aristocrates, l’auteur réussit à embarquer aisément le lecteur en multipliant les péripéties, les petites surprises et les rebondissements, tout en proposant des personnages on ne peut plus charismatiques.
Un cadavre dans le placard
Olivia en premier lieu dont la mission et les pouvoirs dissimulés laissent entrevoir un univers dramatique beaucoup plus vaste que cette histoire, mais aussi sa fille Mercy, petit bout plein de courage, et les deux acolytes : Abbie, ex-prostituée affranchie et propriétaire d’une maison close, et son garde du corps, solide gaillard à belle gueule. Une bande des quatre pleine de potentiel dont la dynamique s’installe solidement dans l’album en question et, comme en atteste quelques dialogues et allusions, pourrait revenir pour d’autres épisodes si le succès est au rendez-vous. Et on ne s’en plaindrait pas puisqu’en plus d’un rythme généreusement soutenu, l’album profite pleinement des illustrations percutantes de Patrick Boutin-Gagné, toujours dotées de ce « petit quelque chose » à la Olivier Vatine, avec cette fois-ci une jolie atmosphère ténébreuse à la clef : des décors victoriens délicatement brossés, une nuit omniprésente, des couleurs gothiques signées Alessia Nocera et une créature cadavérique des plus évocatrices.
Un joli récit de magie noire et d’invocation, de liens d’amitiés et d’amour mère-fille, avec en prime un soupçon d’évocation d’opposition entre les classes… car naturellement les devantures les plus respectables cachent les âmes les plus sombres.