Ce n’est bien entendu pas un hasard si DC comics offre une maxi-série à ce méchant bien connu du grand public, en particulier par le biais de ses incarnations à l’écran que ce soit Burgess Meredith dans la vieille série, Dany DeVito dans le génial et baroque Batman le défi, mais aussi Colin Farrell, méconnaissable, dans le film de Matt Reeves. C’est justement cette incarnation qui s’apprête à faire son grand retour sur HBO Max en septembre pour mieux faire le lien avec le futur The Batman 2. Une approche plus sombre, plus réaliste, inquiétante et surtout débarrassée de ses oripeaux les plus caricaturaux tout à fait dans le ton de ses dernières apparitions comics, clairement concrétisées par l’album en présence. Se faisant passer pour mort (et faisant croire à Batman que c’est lui qui l’a tué), Oswald Cobblepot profite enfin d’une certaine tranquillité, reconverti en fleuriste à Metropolis. C’est même à contre-cœur, forcé par les services secrets américains, qu’il se lance dans une reconquête de son empire criminel menacé par ses concurrents, ses anciens lieutenants et ses descendants « officiels ».

Niark niark niark

Batman est bel et bien là, revenant dans des flashforwards qui les montrent tous deux en fâcheuse posture, mais l’essentiel des chapitres gomme volontiers les cotés purement fantaisistes et super-héroïques, pour mieux s’offrir des accents de romans noirs, de saga criminelle mafieuse et de thriller sombre et violent. Remarqué sur des runs récents de Daredevil ou Black Widow, mais aussi sur Animosity et Hailstone, Rafael de Latorre impose admirablement un trait racé, ferme et direct qui souligne clairement le regard mature apporté sur l’univers d’une figure polie à l’extrême, ex-clown jouant les oiseaux de mauvais augure, reconvertie en parrain des Sopranos. Parfois trop prolifique pour son bien et n’aillant pas que signé des dérivés de Batman particulièrement marquants, Tom King le modernise avec intelligence, revenant à l’essence même de sa force inquiétante, sa froide intelligence et sa brutalité enfouie qui ne demande qu’à exploser, en faisant une force presque immuable qui reprend lentement mais surement sa place dans les rues de Gotham. Un joueur d’échec qui manipule, menace, séduit, effraie, se constituant peu à peu une nouvelle équipe d’acolytes bigarrés et dangereux allant des rescapés d’une team de patriotes has-been (les Force of July) au bien flippant majordome-assassin The Help (un embrigadement qui constitue un 3ème chapitre quasi-horrifique), véritable négatif du Alfred de Bruce Wayne.

Forcément qui dit Tom King, dit mise en place laborieuse, de nombreux personnages dont certain encore à peine esquissés (comme la progéniture du Pingouin justement) et surtout un grand tableau dont on sait n’avoir pour l’instant que de fugaces aperçus, mais la montée en tension est palpable et l’atmosphère lourde à souhait. Une entrée en matière des plus intéressantes et une belle mise en valeur du protagoniste qui, on l’espère, se concrétisera dans le second et dernier tome.