LE PARIS DES DRAGONS
France – 2024
Genre : Fantastique
Dessinateur : Tony Sandoval
Scénariste : Joann Sfar
Nombre de pages : 104 pages
Éditeur : Glénat
Date de sortie : 18 septembre 2024
LE PITCH
Paris, 1900. Voilà mille ans que les dragons vivent cachés de tous, scellés dans les statues et gargouilles à leur effigie. La légende prétend que seul le sacrifice d’un être de grande magie peut protéger Paris de leur colère et préserver le sort qui les maintient endormis. Mais alors qu’une sirène, destinée à ce funeste destin, est secourue in extremis par une princesse hawaïenne tombée sous son charme, l’ombre malveillante des dragons plane à nouveau sur la Ville Lumière. Et des catacombes au parvis de Notre-Dame, une romance naît sous l’éveil d’un mal millénaire… Et si les dragons envahissaient le Paris de la Belle Époque ?
Joyeuse apocalypse
On savait la belle capitale habitée de fantômes et de mystères, on savait moins qu’elle cachait aussi dans ses monuments historiques de mythiques dragons, en sommeil, attendant une simple étincelle pour se lancer à l’assaut des champs Élysées. Une grande aventure, pleine d’action, d’amour et d’humour qui marque la rencontre, si évidente, entre Joann Sfar et le dessinateur Tony Sandoval.
Une simple histoire d’épée, de réveil difficile et de « œil pour œil » et tout le reste, et le destin des hommes et des dragons s’écrit inlassablement dans le sang. Quelques centaines d’années plus tard (et beaucoup de poussières), l’un de ces grands lézard trouve refuge auprès du curée d’une petite bourgade à peine éclos, Paris. Un accord est signé et tous les dragons acceptent un long sommeille de 1000 ans en échange du sacrifice régulier d’une créature magique. Et ce qui devait arriver, arriva, une princesse hawaïenne taillée comme un catcheur sauve une pauvre sirène d’une cérémonie douteuse et tombe immédiatement sous le charme. L’amour, toujours, mais aussi l’apocalypse qui ne manque pas de se déclencher dans la foulée. Pour ceux qui ne l’aurait pas encore reconnu, c’est bel et bien Joan Sfar, créateur de Donjon, Le Chat du Rabbin et Grand vampire, qui est aux commandes de ce voyage azimuté sur les pavés du superbe Paris 1900, traversant rapidement ses rues haussmanniennes pour rapidement se tourner vers ses parcs oubliés, ses lieux de rencontres illicites, ses maisons closes et ses catacombes.
« On s’aime comme ça, la Seine et moi»
La Belle époque, mais habitée autant par la magie que par les éclairages au gaz, et où une joyeuse troupe de personnages improbables et d’alliances plus curieuses encore, part en quête du roi dragon espérant arrêter le carnage, avant que les reptiles n’aient boulottés tout le monde. Comme toujours avec l’auteur rien n’est vraiment bien grave et même si la mort menace nos héros, ils ne manquent pas de multiplier les dialogues décalés, de s’amuser du chaos ambiant et surtout de chercher par tous les moyens de prendre un peu de bon temps avec les fesses des uns et des autres. Pas tout à fait un conte pour enfant donc, même si la sirène est particulièrement belle, qu’un homme de dieu veille au grain et qu’on y parle beaucoup d’amour (au sens le plus noble), car on s’y étripe aussi généreusement et surtout on compense la dangerosité par des allusions graveleuses diverses et des rapprochements inter-espèces qui feraient défaillir le petit réac du samedi soir. A ce titre, le grand final, absolument rocambolesques et génialement déluré est un joyeux doigt d’honneur à la bonne morale, et une belle déclaration d’amour à la vie, au hasard, à l’étrange et à la paix.
Cette aventure farfelue, Joan Sfar aurait certainement pu l’illustrer lui-même, mais il s’est tourné ici vers le talentueux Tony Sandoval (Mille tempêtes, Le Serpent d’eau, Volage…) aux dessins sans doute plus précieux, mais qui ici embrasse à merveille l’humour du récit, les excentricité de ses personnages, se donnant des rondeurs plus prononcées, des contours plus naïfs, mais avec toujours cette finesse incroyable dans le trait, cette richesse picturales hors du temps et des genres, et cette envoutante colorisation. Le mariage entre le scénariste et l’artiste est parfaitement consommée, comme une révélation, et le lecteur n’a qu’à en dévorer le fruit (défendu).