LE MONDE D’ARKADI : INTÉGRALE
Le Monde d’Arkadi Tomes 1 à 9 + Nocturnes – France – 1989 / 2008
Genre : Science-Fiction, Fantasy
Dessinateur : Caza
Scénariste : Caza
Nombre de pages : 528 pages
Éditeur : Les Humanoïdes Associés
Date de sortie : 4 décembre 2024
LE PITCH
Depuis 10 000 ans, la Terre a cessé de tourner sur elle-même, condamnant l’humanité à l’obscurité ou aux températures extrêmes du soleil. Certains survivent dans l’enceinte de Dité, la grande cité-dôme au centre de la Nuit, louant un culte à des robots devenus divinités : les Titans. Les autres se sont installés sur la Limite, une zone de crépuscule éternel dans laquelle les dangers et la violence règnent. Sur cette Terre désolée, afin de comprendre d’où lui vient son étrange pouvoir, Arkadi devra tout quitter et partir à la recherche de la vérité.
Futur achevé
Les festivités marquant les 50 ans des Humanoïdes associés battent leur plein, multipliant les publications anniversaires et les intégrales évènements. Et Le Monde d’Arkadi y fait certainement figure d’incontournable. Une réunification de 10 albums inoubliables habitées par l’imaginaire foisonnant de Mr Caza.
La quête d’Arkadi aura aussi été celle de Philippe Kaza. Entamée en 1989 chez Les Humanoïdes associés elle sera stoppée en 96 après la sortie d’un sixième tome annonçant lui-même une forme de pause. Un choc pour les lecteurs d’une série qui avait justement fais le choix de prendre son temps, d’explorer en profondeur son univers, de faire connaissance avec ses personnages. On peut même dire qu’à ce moment la moelle de l’histoire venait tout juste de commencer. Il faudra alors attendre pas moins huit ans avant qu’un nouvel éditeur, Delcourt, se décide à relancer la machine avec un septième tome qui reprennait certes le récit là où il avait été laissé, mais qui montra un changement de style évident. Démarré avec une patte fouillée, des contours charbonneux presque gravé à coup du pointillisme hérité du mentor Moebius, le « second âge » du monde Arkadi n’avait cessé d’évoluer, de se détacher de l’image Métal Hurlant, pour se tourner graduellement vers une forme d’épure, des contours plus anguleux et une narration plus dynamique et moins verbale. Toujours reconnaissable certes, mais affichant un affinage nouveau et des recherches visuelles usant habilement des possibilités de l’informatique, telles qu’inaugurées dans l’album spin off / prologue : Nocturne, les trois derniers albums embrassent les influences manga mais aussi témoigne clairement des expériences de l’artiste du côté du cinéma d’animation (Gandahar et Les Enfants de la pluie). L’auteur avait même profité de la réédition des premiers albums pour rectifier quelques planches du tome 1 et en fluidifier la narration.
Peuple élu
Un gros bébé qui aura donc nécessité vingt ans de gestation et qui revient ici, tout à fait logiquement, dans le giron des Humanos pour une ressortie en intégrale, profitant au passage d’une couverture avec de superbes effets brillants, une préface de Serge Lehman et une analyse critique Nicolas Trespallé. De quoi remettre parfaitement en valeur cette quête initiatique au travers d’un univers mélangeant avec originalité Fantasy et Science-Fiction, pour dépeindre une planète Terre condamnée par une immobilité morbide. Un monde fracturé en deux, entre froid glacial et terres brulées par le soleil, où la vie ne semble plus pouvoir se développer que dans une mince frontière entre les deux. Peuples mutants, humains revenus à l’état sauvage, citée utopique recluse au centre du globe, dieux de métal reproduisant ad eternam une vieille rengaine ancestrale… Le Monde d’Arkadi mélange les grandes quêtes barbares avec le spectaculaire des space opera tout en renouant constamment avec des fibres des mythologies antiques et bibliques, réinventées pour réexpliquer ce nouveau monde et faire le lien avec le nôtre. Une écriture libre et foisonnante pleine de magie et d’aventure, de danger et d’humour, d’action et de personnages charismatiques autant que de peuples et créatures étranges où peu à peu va se révéler la logique de cette Ère de la masse et la cause de cette catastrophe, rappelant bien entendu les inquiétudes et les considérations écologiques de Caza et sa célébration d’un retour à la mère nature. Avec son optimisme et sa fraicheur habituelle. Un voyage palpitant et tout simplement extraordinaire.
Présenté dans sa forme définitive et sa complète intégralité (les neuf tomes associés à Nocturne), Le Monde d’Arkadi est véritablement le grand œuvre de Caza, création pour laquelle il aura dû batailler, qui aura changé par deux fois d’éditeur et plus souvent de formes, témoin de toutes les mues de l’artiste, mais aussi de ses grands talents de narrateur, d’inventeur et de conteur. Une fable écologique SF comme on en fait plus.