LE GOLEM DE PARIS
France – 2025
Genre : Fantastique, Policier
Dessinateur : Cesc Dalmases
Scénariste : D.H. Jarmon
Nombre de pages : 112 pages
Éditeur : Les Humanoïdes Associés
Date de sortie : 2 janvier 2025
LE PITCH
Paris, rue des Rosiers. Le jour de son mariage, la fille du rabbin est assassinée à la sortie de la synagogue. Peu de temps après cet attentat, une force surnaturelle semble se manifester dans la capitale. Katarina, flic mise à pied, décide d’enquêter malgré sa suspension. Car au fond d’elle, quelque chose la pousse à en faire une affaire personnelle…
Terre meuble
Créature incontournable de la mythologie hébraïque, le Golem inspire toujours les auteurs. Rien d’étonnant d’ailleurs que dans l’atmosphère inquiétante de montée d’un racisme général dans la société française, à ce que ce colosse d’argile s’installe dans la capitale pour prendre, à nouveau, la défense du peuple juif.
Textes folkloriques, romans, films, BDs… le Golem n’en est pas à une apparition près surtout qu’au-delà de sa traditionnelle sculpture en argile, il reste l’inspiration principale du monstre de Frankenstein. Vieux comme le monde, ou presque, mais certainement pas anachronique dans le monde contemporain toujours autant marqué par la haine et l’antisémitisme. Scénariste pour la télévision sur les séries Le Remplaçant et Brigade anonyme, Déborah Hadjedj-Jarmon imagine donc son grand retour dans le monde actuel en plein milieu des rues de Paris. La symbolique d’une menace toujours aussi présente et la réponse d’un rabbin au massacre perpétré contre sa famille et sa communauté le jour du mariage de sa fille. Une histoire de vengeance donc, dans laquelle le pauvre homme va forcément se perdre, mais sertie dans une trame policière qui suit Katarina, électron libre de la police nationale qui rapidement perçoit que se joue derrière cet attentat autre chose qu’un simple crime perpétré par un forcené. L’enquête va la rapprocher de plus en plus de cette impressionnante créature qui laisse des cadavres pulvérisés derrière elle, mais aussi d’un parti politique d’extrême droite s’acheminant dangereusement du pouvoir… dans lequel on reconnait aisément l’appareil de Marine Lepen et ses petits camarades obsédés par les immigrés.
Gueule d’argile
Un sujet clairement pas inintéressant et au potentiel évident mais malheureusement traité avec un académisme plombant. Impossible de ne pas prévoir chaque mini révélation ou surprise annoncée lourdement à l’avance et de ne pas pressentir des mécaniques narratives bien éreintées déjà par la télévision française. Étrangement, malgré la forte pagination de l’album, les évènements ne passent toujours beaucoup trop vite, les scènes s’enchainent presque à la vitesse d’un « dans les épisodes précédents », entrainant bien souvent les personnages vers la caricature. La pauvre Katarina se voit ainsi subir en quelques pages une tentative d’agression à laquelle elle répondra un peu trop violemment, une mise à pied, un retour sur le terrain quelques mois plus tard, une ostracisation de ses collègues, une romance abandonnée puis reprise avec l’un d’eux, une grossesse et une naissance… Le tout avec une découverte de ses racines juives longtemps tues par sa famille qui sera réglée, puis oubliée, en deux pages et presque autant de dialogues. Un peu comme si toute une saison d’une série tv classique avait été compressée en un seul album, laissant de nombreux éléments sur le bord de la route, ou rendant certains détails (pourquoi plusieurs Golem ?) ou certains questionnements pertinents (le chemin de croix et la perdition du rabbin) trop légèrement traités.
Difficile alors de se passionner pour Le Golem de Paris finalement trop ébauché et classique malgré son pitch original, et ce malgré les efforts du dessinateur espagnol Cesc Dalmases (La Pyramide immortelle) qui affirme effectivement un trait assez fin et détaillé, délicat surtout. Grace à un découpage maitrisé et quelques élans plus impressionnants, il manie effectivement très bien ce mélange entre polar et fantastique, contexte contemporain et mystique plus démonstrative.