LE CRI
France – 2023
Genre : Policier
Dessinateur : Laval NG
Scénariste : Makyo
Nombre de pages : 152 pages
Éditeur : Philéas
Date de sortie : 7 septembre 2023
LE PITCH
L’inspectrice Sarah Geringën enquête sur la mort suspecte d’un patient d’un hôpital psychiatrique. La victime a gravé sur le front le chiffre 488 et les conclusions des légistes sont sans appel : l’homme est mort de peur !
Les agents de la peur
Second roman signé Nicolas Beuglet et premier gros succès éditorial avec en prime un Prix Nouvelles voix du polar 2018, Le Cri devient chez Philéas, éditeur justement adepte des adaptations en BD, un album toujours aussi palpitant et une performance graphique imposante.
A l’écriture, on retrouve donc Makyo, scénariste de longue date ayant commencé chez Spirou, signé les premiers tomes de Jérôme K. Jérome Bloch ou imaginé la grande saga La Ballade au bout du monde et manié de nombreux genres et de nombreux style. Un auteur solide qui s’empare très efficacement de l’écriture visuelle de Nicolas Beuglet et dont il retrouve à la fois toute l’énergie et toute la profondeur. Le Cri est un album souvent chargé en textes et en dialogues, dense malgré ses 150 pages, mais qui avance constamment porté par une enquête profonde, opaque et particulièrement intrigante. Celle de Sarah Geringën (revenue depuis dans les romans Complot et L’île du diable), enquêtrice norvégienne et ancienne des forces spéciales, qui se penche sur le cas d’un patient d’hôpital psychiatrique retrouvé mort de peur, le chiffre 488 gravé sur le front. Le directeur et certains employés de l’établissement sont impliqués, mais bien entendu l’affaire va beaucoup plus loin et fait remonter le fil jusqu’à d’inquiétantes expériences menées par le gouvernement américains durant la Guerre Froide.
Du fond des temps
Inspiré de terribles faits réels et du scandale international qui éclata lors de leurs révélations, Le Cri joue parfaitement de son cadre informé et documenté, de sa proximité avec la véracité pour construire un polar sombre et opaque, dans une ambiance de paranoïa glacée jamais loin en effet du nouveau roman policier en provenance des pays froids ou de certains souvenirs d’épisodes des X-Files. D’ailleurs, le duo rapidement formé par Sara Geringën et le journaliste français Christopher Clarence, dont la famille est tristement impliquée dans l’affaire, fonctionne parfaitement jusque dans ses petits élans romantiques qui ne tombent jamais, heureusement dans la roucoulade. Le Cri n’a pas vraiment le temps de se détendre en effets, multipliant les révélations et les explorations psychanalytiques, scientifiques et politiques, jusqu’à une découverte finale dont les élans lourdement mystiques peuvent laisser un peu circonspect. Un choix de l’auteur Nicolas Beuglet que respecte naturellement Makyo, mais qui ne convainc cependant pas tout à fait.
Une adaptation solide dans tous les cas, sublimée il faut le dire par le travail visuel sophistiqué de Laval NG, clairement dans la veine de son Effet miroir publié en 2020. Le découpage est resserré, les personnages capturés avec finesse, mais c’est surtout le travail de colorisation qui renverse tout avec un travail fascinant sur les teintes (bleu nuit, rouge flamme…), les matières et les contours où les transparences et les superpositions numériques retrouvent la beauté et les fortes impressions de la peinture à l’huile. Des planches qui évoquent là aussi le mélange de réalisme, de mystère et de léger « fantastique » qui font l’identité du roman Le Cri.