L’ASSASSIN ROYAL T.1
Assassin’s Apprentice #1-6 – Etats-Unis – 2022 / 2023
Genre : Fantasy
Dessinateur : Ryan Kelly
Scénariste : Jody Jouser
Nombre de pages : 136 pages
Éditeur : Urban Comics
Date de sortie : 20 septembre 2024
LE PITCH
Lorsque le fils illégitime du prince Chivalry’s est abandonné par un vieux fermier au frère dudit prince, la vie du garçon change à jamais. Rebaptisé « Fitz » par ses nouveaux gardiens, il est plongé dans les intrigues complexes des cours des Six Duchés. Mais un pouvoir s’éveille chez le jeune garçon, d’un genre nouveau. Quelque chose qu’il devra apprendre à contrôler, au risque de provoquer la chute du royaume.
Quelques gouttes de poison
Certainement l’un des grands classiques modernes de la Fantasy, à l’importance aussi manifeste que celle de Game of Thrones, le cycle de l’Assassin royal entamé il y a maintenant trente ans par son autrice Robin Hobb devient à son tour une série de comics. Une adaptation idéale pour mieux faire connaitre encore cette saga passionnante, mais qui ne réussit pas forcément à en capter toute l’intensité.
C’est que bien entendu L’Assassin royal n’est pas un simple récit épique et le feuilleton picaresque de la naissance d’un nouveau héros qui reprendra les rênes du royaume, mais bien la porte d’entrée vers un univers extrêmement vaste se découpant en plusieurs cycles de plusieurs sagas s’entremêlant (s’ajouteront par la suite Les Aventuriers de la mer et Les Cités des anciens) dans une vaste fresque, complexe, fantastique, tragique, spectaculaire et fascinante. Et tout commence par un simple récit d’apprentissage. Celui de Fitz donc, bâtard de l’ancien prétendant au trône, qui va devoir apprendre à faire sa place dans les coulisses du pouvoir comme palefrenier, servant, fils de noble et apprentis assassin, pour échapper à son tour aux terrible complot ourdis par Royal, prince pressé d’accéder aux honneurs, et petit sociopathe cruel et sadique. Une aventure qui prend son temps et dissémine tranquillement ses grandes fondations, sa mythologie fastueuse, pavant une route qui s’achèvera (pour l’instant) au bout d’une bonne vingtaine de volumes, lourds et épais.
La voie du dragon
Un rythme très particulier, qui va bien entendu aller en s’accélérant, en prenant de l’ampleur, mais qui au départ se découle presque comme un journal laborieux décrivant les journées rébarbatives de notre jeune héros, sa découverte de ses capacités, subissant des entrainements à la dure et s’approchant progressivement du monde des adultes et des antagonismes à venir. Même ses fameux pouvoirs, dit l’ « art », qui lui permettent de se connecter plus ou moins profondément avec l’esprit des animaux (son familier sera, naturellement, un superbe loup) sont encore relativement discrets… Et en l’occurrence particulièrement mal exploités et trop lourdement signifiés dans les planches de Ryan Kelly (Survivors’ Club) par une forme de brume qui gomme trop le mystère de cette magie. Illustrateur plutôt solide, très réaliste et fouillé dans son trait, Kelly n’arrive d’ailleurs pas assez à s’échapper de son décorum platement médiéval (beaucoup de marron) et n’insuffle pas assez de charisme dans le regard de Fitz. Le personnage n’est ici qu’un enfant, à la tête légèrement trop grosse, trop fragile, trop effacé, pour retrouver ses contours si captivant dans le roman. Et malgré ses efforts pour rester le plus fidèle possible au texte de Robin Hobb, Jody Houser (Mother Panic) peine pour l’instant un peu à trouver le ton juste entre l’introduction docile et appliquée et le défrichage obligatoire de ce type d’exercice. Tous les éléments sont là ou presque, dont les amorces de cette ardente histoire d’amour avec la jolie vendeuse de bougies, mais semble bien étriqués, engoncés sans véritablement faire naitre le souffle dramatique du récit.
On peut se souvenir qu’entre 2008 et 2017, les éditions Soleil et leur adaptation BD signée Christian Gaudin et Laurent Sieurac, s’y était cassé encore plus durement les dents malgré leurs dix tomes menés jusqu’au bout. Preuve que quoi qu’il arrive L’Assassin royal garde un grand pouvoir d’évocation… mais on ne peut que trop conseiller d’opter plutôt pour les romans originaux.