LARKIA

France – 2021
Genre : Science-Fiction
Scénariste : Ingrid Chabbert
Illustrateur : Patricio Angel Delpeche
Nombre de pages : 112
Editeur : Glénat
Date de Sortie : 24 mars 2021
LE PITCH
La société a implosé. Les années, en passant, ont transformé les villes en cimetières où seul règne le silence. L’horizon n’offre désormais au regard qu’un désert de misère et dans ce contexte, Larkia accouche d’un petit garçon bien décidé à vivre, mais dont les yeux restent clos. Le lendemain de sa naissance, alors qu’elle se remet à peine de l’opération, ils sont tous deux pris en chasse par des miliciens aussi enragés que surarmés.
La femme est l’avenir de l’homme
Échappée des publications jeunesses, Ingrid Chabbert livre avec Larkia une BD postapocalyptique furieuse et racée. Une course effrénée admirablement illustrée par un nouveau talent argentin : Patricio Angel Delpeche.
Spécialiste depuis de nombreuses années de la BD pour enfants (La Famille au poil, Lulu et son dragon), la scénariste Ingrid Chabbert commençait à se sentir à l’étroit dans ce type de narration. Ou plutôt enfermé par des éditeurs qui avaient eu tôt fait de la cataloguer irréversiblement pour un public bien identifié. Larkia ressemble ainsi un peu à une résurrection artistique, à un virage à 180 dégrée effectué comme un dérapage bien bruyant qui laisse une trace de caoutchouc fumant sur le bitume. Exit donc les rêves naïfs et la bonne humeur de gosse, pour une plongée beaucoup moins joyeuse dans un future ravagé par la guerre (et autres plaies imaginées par l’humanité), où tente de survivre coûte que coûte Larkia, jeune femme qui a depuis longtemps compris qu’elle ne pouvait compter que sur elle-même, ou tout comme. Cependant la naissance, dans la douleur, de son enfant va changer la donne. Déjà la cible d’une curieuse milice, elle devient l’enjeu d’un avenir de moins en moins réjouissant.
Matrice
Assumant totalement son inspiration première, Mad Max Fury Road, et surtout le choc qu’a provoqué chez elle la découverte d’un personnage féminin de la complexité de Furyosa, Ingrid Chabbert embraye à fond la caisse dans une BD d’action au rythme haletant, où l’identité de l’héroïne, sa nature et celle de la catastrophe, s’effeuille en parallèle de la montée en tension. Terriblement efficace et nerveux, Larkia enchaîne sans faiblir un accouchement à l’ancienne (sans anesthésie), les fusillades, les poursuites et les tueries à un rythme plus que soutenu, mais réussissant toujours à offrir à chaque étape une dimension supplémentaire à son personnage principal et au monde dans lequel elle évolue. Une louve à l’enfant, une sorte de Baby Cart futuriste et plus nihiliste encore, brillamment mis en image par Patricio Angel Delpeche, artiste qu’on avait déjà pu apprécier sur une adaptation d’Elles ne se rendent pas comptent de Boris Vian pour le même éditeur, mais qui se montre manifestement plus à l’aise ici encore. Son découpage précis et cinématographique, son utilisation expressionniste de la colorisation et de décors réduits à l’essentiel, insufflent une férocité supplémentaire à l’album tout en donnant une fluidité et une élégance assez rare à des séquences pourtant souvent violentes, voir scabreuses. Un sacré talent que voilà, chez qui on retrouve, avec un trait plus rond et constant, un style assez proche du Frank Miller de Ronin.
Pas un mince compliment pour une BD de toute façon très réussie, courageuse et investie, qui donne corps à une créature acharnée, mère farouche qui ferait tout pour sa progéniture. Même détruire le monde.