L’ALIBI
France – 2023
Genre : Policier
Dessinateur : Benoit Springer, Thierry Robin, Olivier Berlion, Richard Guérineau, Jack Manini, Vincent Froissard, Jeanne Puchol, Laurent Astier, Benoit Blary
Scénariste : Séverine Lambour, Jimmy Beaulieu, Xavier Bétaucourt, Laurent Galadon, Etienne Le Roux, Oliver Berlion
Nombre de pages : 120 pages
Éditeur : Philéas
Date de sortie : 2 novembre 2023
LE PITCH
Un alibi est un mode de défense d’une personne soupçonnée d’un crime ou délit, pouvant aller du vol de bonbons au meurtre avec préméditation. Autour de ce thème, 15 auteurs d’exception usent de leurs meilleurs arguments pour détourner tout soupçon d’un coupable, faire plonger un innocent ou au contraire défaire un criminel tentant d’échapper à une accusation méritée.
Ils étaient 10
Suite logique (ou prémices allez savoir) du Le Crime parfait publié l’année dernière, L’Alibi rejoue le même jeu de la carte blanche à une pléiade d’auteurs et d’artistes réunis autour d’un même thème, aussi inspiré que libre, pour donner le meilleur d’eux même et livrer quelques trames retors… mais parfois dotées d’un sacré effet boomerang.
Même principe donc et même conséquence, comme le veut l’exercice, le volume propose 10 nouvelles graphiques forcément inégales et aux univers et approches variées. Inégales mais jamais ratées, chacune des performances affichant un style, une écriture et une approche, dotées d’une certaine pertinence, d’un univers accrocheur ou d’une petite astuce bien sentie. Comme pour le précédent Le Crime Parfait, Phileas a réuni ici uniquement des signatures de talents et chacun y va donc de sa vision de ce fameux ingrédient indispensable à toute bonne entourloupe criminelle. Manini (Le Cobaye, Albanie…) propose d’ailleurs la solution idéale avec Mon cadavre pour alibi où deux frères jumeaux ont pris pour habitude de partager leurs vies, leurs crimes et leur famille. Rien de mieux alors pour disparaitre que d’éliminer le plus violent des deux… ah moins que. Maline tout autant, l’épouse d’un séducteur qui dans la proposition de Berlion (Garrigue, Agata…) retourne le petit dispositif bien rodé de son époux infidèle contre lui. Et quoi de mieux que la petite folie et l’amnésie pour échapper à la culpabilité chez Springer (Terres d’ombres, Les Funérailles de Luce…) et Lambour (On me l’a enlevée, La Promesse…), en particulier quand la victime était un petit con qui cassait les pieds de tout le voisinage.
Pour que le crime paye
Il y a souvent ici quelques bonnes notes d’humour noir, une ironique un peu vacharde qui vient souligner une existence bien cruelle et en définitive amorale. Mais les sublimes planches presque noir et blanc de Guérineau (Entrez dans la danse, Seul le silence…), son détournement historique du conte du petit Chaperon Rouge, peut aussi jouer les justiciers et régler quelques comptes avec un Ku-Klux-Klan animalier mais toujours aussi barbare. Le programme se dévore avec délectation, alterne les petites surprises, les atmosphères de film noir, fait un petit détour des plus poético-tragique du coté du cirque, s’essaye même à un étonnant hommage à l’esthétique de Miami Vice, et forcément chacun y trouvera ses préférences, visuelles ou scénaristiques. A piocher, on pencherait sans doute pour le Contre tout Alibi écrit par Laurent Galandon (La Truie, le juge et l’avocat, Rivage de la colère…) et illustré tout en lavis de gris par Benoit Blary (Virginia, Cutshin Creek…), récit pathétique d’un couple en déconfiture depuis des décennies, habitué à se laisser des insultes par post-it sur le frigo, jusqu’à ce que monsieur face une rencontre romantique… Bien entendu la vengeance de madame va s’avérer terrible et particulièrement vacharde et son alibi en béton armé. Une petite tranche de vie qui sonne juste jusque dans sa pure méchanceté.
Voici donc encore une belle sélection d’affaires criminelles hautes en couleurs et le plus souvent astucieusement orchestrées, et ce malgré le nombre de pages forcément limité du format nouvelle. Et comme pour Le Crime parfait, Anaïs Bon vient prolonger chaque proposition d’une petites lettres d’excuse, tout en second degré, d’un forfaiteur pas toujours repentis… loin de là.