LA SOURCE T.1 : LA GARDIENNE DU TALION
France – 2022
Genre : Anticipation, Policier
Scénariste : Sylvain Runberg, Olivier Truc, Gaël Brancherau
Illustrateur : Damour
Éditeur : Philéas
Pages : 88 pages
Date de Sortie : 25 août 2022
LE PITCH
Le monde s’est effondré, le temps de la reconstruction est venu… Mais l’unité de la communauté de La Source est ébranlée par une série de meurtres violents qui met en péril cette nouvelle société déjà bien fragile. Rachel est désignée pour enquêter, promue Gardienne du Talion. Un polar âpre dans un monde bouleversé par un désastre climatique, en quête de nouveaux repères.
Un village français
Quelques semaines après Patriarchy, le prolifique Sylvain Runberg, accompagné de quelques collègues, revient à l’exploration d’un futur proche peu radieux avec La Source. Quelques années dans l’avenir pour un récit qui ne choisit pas la voie du survival mais celle du polar. Intriguant.
Etrange comme de nombreux auteurs semblent ces derniers temps s’intéresser au monde d’après. Pas celui plus foireux encore du post-COVID, mais celui d’une post-apocalypse qui nous pend au nez. Dans La Source, quelques survivants se sont rassemblés dans une même communauté où ils s’efforcent de faire perturber des valeurs trop rares que sont le dialogue, la compréhension, l’égalité, l’échange, refusant d’un même mouvement tous les codes de la civilisation effondrée comme les religions ou l’autorité policière. Pourtant lorsque l’herboriste est assassiné avec toute sa famille mettant en danger l’équilibre du village, déjà bien malmené par une dangereuse épidémie, Rachel, ancienne policière qui espérait en avoir fini avec le képi, est sommée de délaisser ses moutons et revenir à son ancien métier pour enquête sur ce meurtre. Rédigé à six mains avec les romanciers et journalistes Olivier Truc (déjà sur On est chez nous) et Gaël Branchereau, La Source apporte un étonnant réalisme dans la description extrêmement soignée et creusée de l’organisation et la nature même du groupe de survivants. Les rôles de chacun, les prises de décisions uniquement par vote, le passé que l’on s’efforce d’effacer, la catastrophe dont on ne parle qu’à demi-mot, l’étrange personnage, l’épouvantail, qui guette avec ses chiens aux frontières du village, l’album mêle anticipation crédible, étude sociétal et étrangeté avec un bel équilibre qui repose justement énormément sur les personnages.
Les Crimes du futur
Et ce sont ces derniers qui nourrissent aussi l’enquête proprement dite, véritable fil rouge de ce premier tome, où l’on découvre comme les vieilles rengaines de violence, d’avidité, de défiance de l’autre et d’obscurantisme peuvent avoir la peau dure. La grande question restant ici la notion de justice, déjà souvent très trouble dans le monde contemporain, mais systématiquement ramenée pour certains à un désir brutal de vengeance et de purgation ici. Tel un personnage récurrent d’une série à son nom, Rachel, brasse et perturbe tous les membres de la communauté, en révélant autant les petits secrets que le simple quotidien dans ce monde incertain. Premier volume d’un diptyque dont on aimerait déjà connaitre la finalité, La Gardienne du Talion est aussi le lancement espéré d’une nouvelle série où l’on devrait découvrait d’autres affaires criminelles et mystères dans de nouveaux story-arcs à venir. Pour l’instant les suspects foisonnent et le potentiel est déjà là, même si on émet quelques réserves sur les dessins de Damour (La Cagoule) très habile et précis dans l’installation de ces décors de huis clos en pleine montagne rappelant inévitable le Sud-est de la France ou les sublimes paysages de l’Ardèche, dans la restitution des détails des habitations ou costumes, mais dont les personnages manquent souvent de caractère et d’expressivité, quitte pour certains à trop se ressembler en dehors de quelques détails cosmétiques (peaux, cheveux, barbe…). Une esthétique un peu trop classique et sobre pour un récit policier d’autant plus passionnant qu’il s’inscrit dans ce contexte si particulier et inédit.