LA PRIÈRE AUX ÉTOILES T.1
France – 2021
Genre : Comédie dramatique
Scénaristes : Serge Scotto, Eric Stoffel
Illustrateurs : Marko, Iñaki Gonzalez Holgado
Pages : 72 pages
Editeur : Grand Angle
Date de Sortie : 03 mai 2021
LE PITCH
Amante entretenue de Dominique, l’une des plus grosses fortunes de Lyon, Florence ne souhaite pourtant pas l’épouser et mettre de côté ses rêves de cinéma. Lors d’une sortie à la foire du Trône, la jeune femme rencontre Pierre, un musicien en mal d’inspiration, qui est pourtant l’auteur d’un titre promis au succès, La Prière aux étoiles. Ce que le mélomane ignore, c’est que cette prière est aussi celle de la jeune femme.
Miraculé
Film inachevé et invisible de Marcel Pagnol, La Prière aux étoiles renaît de ses cendres sous la forme d’une bande dessinée soigneusement confectionnée. Un petit trésor pour les cinéphiles et les nombreux amateurs de l’enfant chéri de la Canebière.
Serge Scotto et Eric Stoffel ont entrepris chez Grand Angle le vaste projet d’adapter toutes les œuvres de Marcel Pagnol en bande dessinée. Une collection qui compte déjà pas moins de seize albums et où l’on croise autant les grands classiques (Marius, La Gloire de mon père…) et que des œuvres plus confidentielles comme Merlusse. Et même des inédits. A l’instar du précédent Les Pestiférés reprenant un roman inachevé, le présent La Prière aux étoiles s’intéresse à un film incomplet et aujourd’hui disparu et dont Pagnol lui-même détruisit les quelques bobines afin qu’elles ne tombent pas entre les mains de la propagande Nazi. Nous sommes en 1942 et le romancier cinéaste préfère prendre de la distance avec le monde du cinéma (il vient de vendre ses studios à la Gaumont) plutôt que de subir encore les pressions des autorités allemandes. Ne reste plus aujourd’hui qu’une dizaine de minutes en mauvais état, une transcription du scénario et ce premier album qui a donc la très lourde tâche de donner corps à la volonté de son auteur mais aussi aux nombreux fantasmes nourris par les amateurs de celui-ci.
L’amour qu’ils se portent
Car mine de rien, le concept même de La Prière aux étoiles était finalement assez éloigné des créations habituelles de Pagnol, s’intéressant en grande partie à des personnages issus de la bourgeoisie parisienne, mêlant plus que jamais des allusions à sa vie personnelle (sa relation vouée à l’échec avec l’actrice Josette Day) et surtout célébrant une histoire d’amour dans ce qu’elle a de plus pur, de plus beau et flamboyant. E le travail effectué par Serge Scotto et Eric Stoffel est absolument admirable tant il réussit à retrouver à la fois la flamboyance d’un récit romanesque et poétique, et la truculence de la plume de Pagnol pour qui chaque dialogue tourne à la joute verbale, juste et chantante. Il y a quelque-chose de foncièrement magique dans la rencontre attendue entre Florence, actrice sans gloire et Pierre, compositeur qui désespère de ne faire que des chansons, dont le coup de foudre résonne comme une évidence et offre aux dernières pages, se déroulant à Cassis, une lumière solaire. Mais on est tout aussi marqué par la description en filigrane de la société française de l’époque, où la place de la femme était encore le plus souvent assujettie aux regards masculins, tandis que le petit monde du cinéma où le statut d’artiste étaient jugé avec condescendance. Marcel Pagnol savait toujours offrir d’impitoyable instantanés de ses contemporains et cette version de La Prière aux étoiles y rend un bel hommage. Jusque dans la mise en image, fruit de la collaboration entre Marko (pour le découpage) et Iñaki Gonzalez Holgado (pour le dessin proprement dit). Avec une jolie fluidité et sans jamais se retrouver enfermés dans le modèle cinématographique, les planches sont dotées d’une sobriété assez raffinée. Une très belle (re)découverte.