LA NUIT DE LA GOULE
Night of the Ghoul #1-6 – États-Unis – 2022
Genre : Horreur
Dessinateur : Francesco Francavilla
Scénariste : Scott Snyder
Nombre de pages : 168 pages
Éditeur : Delcourt
Date de sortie : 05 juillet 2023
LE PITCH
Un passionné enquête sur un ancien studio de cinéma qui aurait brûlé et finit par tomber sur ce projet. Il remonte la piste du réalisateur, qui vit reclus dans une maison de retraite. Selon lui, une goule hanterait son hospice, et la découverte d’une vieille bobine de La Nuit de la Goule risque bien de réveiller la bête, que le film soi-disant disparu avait détruit.
Œuvre maudite
Scott Snyder poursuit l’aventure de son label best Jacket Press (toujours prépublié par Comixology) avec La Nuit de la goule, roman graphique gothique qui plonge généreusement dans les grands classiques du cinéma. Qui de mieux alors pour illustrer l’épouvante à l’ancienne que le très talentueux Francesco Francavilla ?
Si l’auteur a véritablement fait sa gloire et sa renommée avec ses prestations chez DC avec Detective Comics, Swamp Thing ou Superman Unchained, Scott Snyder a souvent rappelé dans ses créations plus personnelles sa fascination constante pour les récits horrifiques. Plus que jamais, avec La Nuit de la goule, il peut enfin rendre véritablement hommage aux œuvres qui l’ont le plus marqué et en particulier ces grands classiques en noir et blanc allant des Universal Monsters aux chefs d’œuvres de Tourneur tout en passant par une grande masse de séries B pas toujours aussi glorieuses. Il est donc bien question d’un film ici, maudit, disparu, dont Innman, cinéphile averti et passionné, a retrouvé par chance une partie des bobines. De quoi lui donner envie de remonter le fil et de retrouver son réalisateur, caché sous un faux nom dans un dispensaire médical isolé. Accompagné de son fils, avec lequel il s’efforce de recréer du lien, il y débarque, persuadé de pouvoir enfin mettre fin à un grand mystère du 7ème art. La mise en place est diablement efficace et les bribes même du film La Nuit de la goule qui jalonnent les six chapitres du comics, possèdent effectivement une aura indéniable. Se déroulant pendant puis aux lendemains de la Première Guerre Mondiale, ils montrent un premier aperçu de ce que pourrait être la créature, ses origines et sa mythologie qui justement engloberait tous les mythes monstrueux humains.
Un monstre universel
Ambitieux avec une structure méta qui joue constamment sur les effets de double lecture, La Nuit de la goule (le comic) s’essouffle malheureusement un peu trop vite en voulant justement délaisser l’atmosphère oppressante et atmosphérique des premières pages au profit d’un récit plus nerveux, épais et enchainant les révélations et les retournements sans jamais vraiment surprendre sur leur nature. Trop d’éléments habitent déjà cette créature. Des éléments (un culte, des origines sumériennes, une organisation secrète…) qui n’auraient pu apparaitre que plus tard dans quelques albums suivants. Ce sont là souvent les tics à répétition de Scott Snyder, toujours enclin à en faire trop, à se perdre dans de lourds dialogues, au détriment d’une certaine simplicité. Heureusement Francesco Francavilla (Black Beatles, Captain America and Bucky, Detective Comics…), spécialiste justement dans la confection de nouvelles affiches et de designs pour des films du patrimoine, brosse le tout avec des lignes puissantes mais simples, des formes parfois changeantes mais toujours fermes, qui par leur encrage lourd imposent une pesanteur particulièrement oppressante. Ses cadrages très cinématographiques, maniéristes et son travail contrasté sur les couleurs, plus impressionnistes que réalistes, donnent véritablement à La Nuit de la Goule une identité graphique marquée, venant titiller quelques souvenirs gothiques italiens franchement séduisants.
Une œuvre nostalgique, pas totalement convaincante, mais qui offre au moins des planches évocatrices et graphiques.