LA MYTHOLOGIE VIKING VOL.1 A 3
Norse Mythology Volume 1 #1-6, Volume 2 #1-6, Volume 3 #1-6 – Etats-Unis – 2021 / 2023
Genre : Fantastique
Dessinateur : P. Craig Russell, Mike Mignola, Jerry Ordway, Piotr Kowalski, David Rubin, Jill Thompson, Matt Horak, Mark Buckingham, Gabriel Hernandez Walta, Sandy Jarell, Colleen Doran, Galen Showman
Scénariste : Neil Gaiman, P. Craig Russell
Nombre de pages : 160, 152 et 152 pages
Éditeur : Au Diable Vauvert
Date de sortie : 10 octobre 2024
LE PITCH
De la genèse des neuf mondes au crépuscule des dieux et à l’ère des hommes, les divinités de la mythologie scandinave qui ont inspiré Gaiman pour American Gods prennent enfin vie en bande dessinée, dans la grande tradition des comics US.
Des mythes et des histoires
Ami et collaborateur de Neil Gaiman (il a œuvré naturellement sur Sandman), P. Craig Russell est aussi un artiste qui s’attache régulièrement à en reprendre les textes pour les adapter en bande dessinée. Après Murder Mysteries, Coraline et L’étrange vie de Nobody Owens, il poursuit son chemin avec La Mythologie Viking, relecture moderne et enchantée des contes épiques, transformés ici en anthologie graphique lumineuse.
Retour à Neil Gaiman, romancier fabuleux et poétique, qui a justement toujours été inspiré par les contes et légendes d’autrefois et en particulier par les mythes nordiques qu’il découvrit gamin dans les pages du comic Thor illustré par le roi Jack Kirby. Le sujet a par la suite bien entendu été largement approfondis par des lectures plus proches des véritables légendes, par des documents universitaires même, et surtout ces récits, parmi d’autres, n’ont eu de cesse dès lors de venir nourrir ses propres créations que ce soit dans les pages de son chef d’œuvre Sandman jusqu’aux évocations contemporaines d’American God ou ses nombreux contes fantaisistes comme Stardust. Ce n’est finalement qu’en 2017 que Gaiman décida de se consacrer frontalement à se corpus presque infini de récits héroïques ou truculents, dramatiques ou explicatifs (l’origine de la vie sur terre, les tremblements de terre, le cycle de saisons…) avec son propre livre : Norse Mythology, ou La Mythologie Viking en français. Un ouvrage qui ne se veut certainement pas exhaustif, même s’il s’ouvre sur la création du monde et s’achève, comme il se doit sur Ragnarök, mais qui se réapproprie une dizaine d’épisodes plus ou moins connus et les aborde avec un ton de nouveau romanesque, fidèle soit, mais pétri d’un humour plus moderne et de dialogues souvent savoureux.
Au temps de Midgard
De quoi les rendre à nouveaux accessibles, plaisant, et surtout d’y rappeler les grandes faiblesses de ces dieux braillards, fiers à bras, querelleurs, constamment lancés dans des concours de force, de boisson, dans des traquenards un peu foireux, des hauts faits pas toujours bien glorieux…. Des dieux on ne peut plus humains aux milieux desquels Loki, dieu de la malice bien connu, est celui qui a finalement le plus d’esprit, de lucidité, ce qui va forcément se retourner contre lui. Ces belles histoires racontées avec talent et une certaine fraicheur – les trésors offerts par les nains aux dieux, la naissance des enfants de Loki, comment la poésie vient aux hommes, le voyage de Thor au pays des géants ou Les Pommes d’immortalité – incluant moult transformations et péripéties, se réorganisent de manière logique, suivant un cheminement prévisible vers la fin de tout comme si ces grands caractères n’avaient fait que provoquer ce destin inéluctable. L’autre grande idée de Gaiman, est d’opposer cette finalité mythologique avec la notion plus romantique de l’éternel recommencement permis par la force même des histoires, constamment réinventées, rejouées par les générations qui se suivent.
Un roman vaste donc, mais aussi donc désormais trois albums de bande dessiné, comme un retour logique à la source de l’inspiration de l’auteur, entièrement conçus par P. Craig Russell dont justement la proximité avec l’auteur n’est plus à prouver. S’il s’est chargé effectivement de l’adaptation proprement dite et de l’ensemble du découpage, il n’illustre pas (superbement) l’ensemble des chapitres, mais y laisse régulièrement généreusement la place à de nombreux collègues comme Mike Mignola (Hellboy), Jerry Ordway (The Power of Shazam !, Superman), Jill Thompson (Scary Grandmother, Wonder Woman) ou Mark Buckingham (Fables, Generation X) venant constamment souligner l’aspect protéiforme de ces aventures et poursuivre cette notion essentiellement de transmission et de réappropriation constante de mythes fondateurs vieux de quelques siècles et de grosses poussières. Ces performances à la fois cohérentes, colorées, mais souvent décalées et toujours marquées par des styles assez personnels, enluminent encore cette vaste épopée pleine de bruits, de fureur… et de gaillardises. Un vrai régal.