LA CHAIR DES DIEUX
France – 2024
Genre : Fantastique, érotique
Dessinateur : Emka
Scénariste : Winona
Nombre de pages : 72 pages
Éditeur : Tabou BD
Date de sortie : 25 septembre 2024
LE PITCH
La mythologie n’a jamais cessé d’influencer l’imaginaire des artistes, fidèles aux récits originels, Winona et Emka proposent de s’y replonger en explorant les mythes avec toute la charge érotique et sexuelle qui leur est propre. La mythologie devient ainsi le lieu de toutes les luxures et de tous les excès. Vices et délices que tout amateur averti retrouve notamment dans les plus grandes sagas nordiques et qui sont ici reprises avec respect sans jamais omettre de nous dévoiler la chair des dieux et celle des mortels qui les rêvèrent.
Plaisirs divins
Fut un temps où les dieux aimaient à venir dans le royaume des hommes pour s’encanailler, séduire quelques mâles et femelles pour assouvir leurs pulsions. Preuve s’il en est que des dieux comme ceux des vikings n’allaient surement pas se refuser quelques plaisirs tout ce qu’il y a de plus charnel… Surtout quand la fin de toute chose est annoncée par le vol des corbeaux.
Loin des BD porno à papa, Tabou BD continu encore et toujours d’attirer de nouveaux talents et de démocratiser le genre. Et quoi de mieux que d’aporter à tout cela des regards plus féminins, à l’instar de la dessinatrice Elena Ominetti (Sans un mot) il y a deux ans, ou ici Winona, artiste qui ne cache certainement pas son intérêt pour le sexe et l’érotisme. Avec même une crudité que l’on attache que bien trop rarement aux femmes. Son trait est relativement doux, encore un peu fragile parfois, mais joue admirablement avec les chevelures, les fourrures, les paysages bucolique, enrobant le tout d’une colorisation pastelle qui jouerait plus sur la suavité des instants charnels que sur l’exploration frontale des orifices. Pourtant ses cadrages n’en perdent pas une miette, comme lorsque la belle et fière Freya s’offre au viol collectif d’une poignée de pirates qui finiront dévorés par l’arbre monde ou quand de fiers guerriers vikings s’essayent au triolisme et à la double pénétration. De la pornographie franc du collier, mais qui ne manque jamais non plus de sensualité, de caresses amoureuses, de passions fiévreuses et d’une poésie toute corporelle.
Thor et son gros marteau
C’est que La Chair des dieux n’est pas une simple anthologie de cul fantastique, mais bien une relecture des dernières heures du panthéon viking orchestré par le scénariste Emka. Une amorce du Ragnarök qui rappelle en premier lieu que les dieux d’autrefois était très loin du saint esprit et servaient le plus souvent de véritable exutoires aux pulsions les plus humaines de leurs peuples adorateurs. Voici donc Loki, enchainé par son père Odin, ramené à la liberté et reprenant le chemin de la vengeance après avoir été ranimé par les talents buccaux de son épouse, Thor s’efforçant de profiter du calme avant la tempête dans les bras de la superbe Sif… et même Hel la déesse des morts s’amusant à faire de Baldr son docile dominé. Des entités de chair et de sang, de passion, de sexe et de mort, entrainés inexorablement vers la fin de leur univers et l’éternel recommencement. Un peu l’histoire de la condition humaine donc, où Winona sait aussi placer quelques très belles illustrations purement mythologiques (la naissance des enfants de Loki) ou épique (Thor contre Jörmungand) pour aboutir à un album très agréablement évocateur, très loin de la récupération policé de Marvel et consorts, mais qui aurait justement pu pousser beaucoup plus loin cette revisition intime des grands mythes nordiques en étendant sa trame plus longuement et en développant plus généreusement les liens entre les différents personnages et les évènements.
Reste une proposition plutôt originale, intéressante et la naissance plus qu’encourageante d’une nouvelle illustratrice de BD pour adulte que l’on prendra (beaucoup) de plaisir à suivre.