L’HÉRITAGE FOSSILE
France – 2024
Genre : Science-Fiction
Dessinateur : Philippe Valette
Scénariste : Philippe Valette
Nombre de pages : 288 pages
Éditeur : Delcourt
Date de sortie : 18 septembre 2024
LE PITCH
Nova et son père, Reiz, un vieil astronaute, cheminent à la surface d’une planète désertique, à la recherche des vestiges de son vaisseau. La jeune fille profite du périple pour rédiger les mémoires de son père : 20 000 ans plus tôt, son équipage a quitté la Terre pour tenter d’établir la toute première colonie humaine sur une exoplanète propice à la vie. Mais au fil des siècles, l’expédition a pris une tournure inattendue.
Vers l’infini et l’au-delà
On le connaissait plutôt du versant comique avec des albums comme Georges Clooney ou Jean Doux et le mystère de la disquette molle, Philippe Valette opère ici un sacré virage avec un récit de science-fiction sérieux, voir tragique, et une approche visuelle inédite. Surprenant.
L’album lui-même se présente d’ailleurs avec un format plutôt rare, plus carré que rectangulaire, réduisant étrangement les pages à des blocs souvent étouffants et permettant plus aisément aussi d’étendre les cases vers un format plus cinématographique. Délaissant totalement les approches graphiques griffonnées, enfantines ou volontairement cartoony de ses deux autres publications, Valette démontre ici une tout autre ambition offrant d’incroyable paysages d’une planète rocheuse et désertique constamment balayée par de terribles tempêtes de sables, ou des visions en apesanteur d’une navette hard-tech traversant l’espace durant quelques milliers d’années. Des éléments entièrement conçus en 3D et retravaillés à l’aide de différentes textures et effets particulièrement convaincants. Un peu plus il est vrai que les personnages humains qui mélangent des contours relativement naïfs et des traits épais avec des modélisations là aussi en 3D bien plus visibles dans leurs formes et dans des designs, ironiquement, trop plats. Un peu dommage, car si L’Héritage fossile est bel et bien un vrai récit de SF, son essence même passe par ses éléments humains, leurs émotions et leurs missions.
« À des millions d’années-burosse de la Terre »
Un détail, mais qui peut se mettre entre le lecteur cette ultime épopée de l’espèce reposant sur les épaules de quatre scientifiques convaincus (du moins au départ) et une cargaison d’embryon voués à coloniser une planète jumelle découverte à l’autre bout de l’univers. Presque 20000 ans de voyage plus loin pour être exact. Une mission qui repose forcément sur un nouveau système de biostase mais dont l’effet à très long terme entraine une fossilisation morbide du corps humains… Un voyage sous haute tension dont le lecteur connait déjà en grande partie l’échec effectif puisque ces passages son contés par Reiz, manifestement seul survivant, terriblement vieilli et abimé, à sa fille, alors qu’ils tentent de retrouver le silo contenant les embryons en accumulant les lentes journées de marches sur la fameuse Gemina, bien moins habitable que prévue. Que s’est-il vraiment passé durant le voyage catastrophe et comment en sont-ils arrivés là ? Philippe Valette ménage parfaitement son suspens, faisant graduellement monter les dissensions, révélant peu à peu le vrai visage de chacun et les sacrifices qu’ils sont prêt à faire pour assurer un avenir à l’humanité, mais aussi s’assurer un avenir tout court. Les réactions des personnages sont toujours emprunts d’une vraie logique et éclaire une réflexion sous-jacente sur l’existence et la disparition de civilisations et les transmissions générationnelles qui ne sont pas toujours un cadeau, c’est peu de le dire.
Une histoire maitrisée et accrocheuse mais avec une réflexion visuelle assez particulière et qui risque de ne pas faire l’unanimité, mais L’Héritage fossile reste un thriller spatial à la dimension philosophique captivante.