L’ENFANTÔME
France – 2025
Genre : Fantastique
Dessinateur : Jim Bishop
Scénariste : Jim Bishop
Nombre de pages : 224 pages
Éditeur : Glénat
Date de sortie : 15 janvier 2025
LE PITCH
Au collège, « Le boutonneux » ne brille pas par son bulletin de notes. Au contraire, il fait même partie des pires cancres ! Il rêve d’ouvrir un magasin de jeux vidéo, mais en attendant, il est convoqué chez le conseiller d’orientation, tout comme Mims. Rebelle au style punk, Mims dévore les mangas et n’a que faire du système. Leur avenir à tous deux se joue pourtant en cette année décisive… S’ils échouent leurs parents risquent bien de les tuer !
Que jeunesse se passe
Lettres perdues et Mon ami Pierrot ont clairement marqué les lecteurs autant par la vision (dés)enchantée de la jeunesse que par la transmission d’une émotion à fleur de peau. Du passage à l’âge adulte, il en est toujours question dans L’Enfantôme, conte presque horrifique, mais surtout très libre, renouant douloureusement avec les pressions subies en milieu scolaire.
Toujours cette fin de l’innocence, cette nécessité de se redécouvrir et s’accepter pour mieux grandir. Troisième tome d’une trilogie thématique, L’Enfantôme est peut-être celui qui est le plus en prise avec le réel, avec un cadre quotidien proche du notre. Ici essentiellement deux jeunes adolescents, l’un résumé malheureusement à ses soucis spectaculaires de peau, le Boutonneux, et Mims, rebelle un peu dark et passionnée de manga. Deux gosses en échec scolaire, en rupture avec la « normalité », qui subissent les brimades de leurs camarades autant que les remarques cruelles des adultes. A tel point que cette menace terrible de leur conseillé d’orientation « vous devez validez votre année, sinon vos parents vont vous tuer » devient réalité. D’une petite chronique sensible et juste sur les douleurs de l’âge ingrat à un récit d’horreur de plus en plus oppressant et grotesque, vrillant vers les délires à la Junji Ito, Jim Bishop n’hésite pas à manier son récit avec une grande désinvolture. Habile et sincère dans la construction de ses deux personnages principaux et de leur tendre et fraiche amitié, l’auteur met une nouvelle fois leurs émotions en avant, leur perception du monde, et en fait le prisme par lequel il raconte l’histoire.
Revenants
Celle de jeunes gens brisés par la pression de la réussite, par les remarques assassines de leurs parents, les regards culpabilisateurs et jugeants des adultes, et qui vont perdre leur innocence et leurs espoirs, laissés pour compte dans une existence « de grandes personnes » bien triste dans laquelle ils peuvent soit rester en marge, soit masquer leur vérité pour s’insérer. Mais l’espoir n’est jamais loin et L’Enfantome n’hésite certainement pas à casser sa narration, pour s’embarquer aux cotés d’un mignon fantôme, perdu dans le monde des esprits, en quête d’un corps désormais sans doute trop froid. Toujours surprenant, l’album multiplie les plans de lectures, mélange allégrement la fable, le drame et l’horreur pour mieux se rapprocher des sentiments à vifs du Boutonneux et de Mims, qui ne pourront bien entendu s’exprimer que dans une incroyable violence et une folie libératrice.
Auteur de BD apparu il y a seulement une petite dizaine d’années avec Nubo le gardien nuage, édité dans sa propre structure indépendante, Jim Bishop fait déjà montre d’une grande maturité narrative et d’une personnalité frappante, jouant autant sur les codes du conte pour enfant que du récit initiatique pour aborder des sujets complexes et souvent assez durs. Même la fluidité de son dessin, toujours tournée vers une ligne très claire quelque part entre Charles Burns et Moebius, avec bien entendu ce découpage et cette expressivité propre au manga, se tourne de plus en plus vers une épure pointue qui va à l’essentiel, capturant par ses formes et ses couleurs, cette atmosphère de l’intime aux lisières de l’onirisme.Une œuvre qui touche et qui marque.