KUNDAN T.1 : LE TEMPS DU SANG
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France – 2025
Genre : Horreur
Dessinateur : Emmanuel Civiello
Scénariste : Luna Vergari
Nombre de pages : 63 pages
Éditeur : Glénat
Date de sortie : 29 janvier 2025
LE PITCH
Inde. Durant le grand massacre qui opposa les prêtresses de la déesse Durga aux vampires, les créatures sanguinaires furent éradiquées. Mais un enfant échappa à la mort promise… 1910. Dans une ruelle de Londres, le corps d’un jeune garçon est retrouvé sans vie, apparemment vidé de son sang. Lord Benedict, qui dirige la brigade de nuit, a rarement vu une scène aussi terrifiante. Au même moment, il s’apprête à accueillir un nouvel agent au sein de son unité, un certain Kundan. Ce dernier aurait été mandaté par un proche du commissaire, Sir Oliver, pour l’épauler dans les affaires courantes…
Les crocs de Delhi
Alors que l’incontournable Dracula connait, à nouveau, un certain regain d’intérêt au cinéma et en BD, Kundan vient en proposer un versant plus orientaliste et sulfureux. Entre l’Angleterre Victorienne et l’Inde coloniale, une vengeance est en marche et les cadavres desséchés s’amoncellent.
Dès les premières planches, ou tableaux, décrivant le massacre d’une tribu de vampires par les prêtresses de la déesse Durga, on comprend que le protagoniste de l’histoire ne sera pas un simple dandy, fils adoptif de braves aristocrates anglais, mais bien l’une de ces créatures qui se repaissent du sang des autres. Le lecteur le voient à l’œuvre, mais le pauvre Lord Benedict de Scotland Yard perçoit tout de même le mystérieux Victor Kundan comme un précieux allié dans son enquête sur les traces d’un terrible meurtriers laissant des cadavres asséchés et méconnaissables dans les ruelles sombres. Kundan joue avec ses proies, se repaie de leur innocence et surtout semble mettre en place un traquenard beaucoup plus vaste dont une bonne partie se déroule beaucoup plus loin dans les colonies indiennes… avec certainement la participation très volontaire de membres de la secte Tugh. Les gêneurs tombent les uns après les autres, ou sont remplacés, et on se doute que la cible de Kundan est moins une personne en particulier qu’un régime complet, un empire.
Venu d’ailleurs
L’autrice Luna Vergari (la série des Harry Dickson avec Doug Headline, Mysteras…) revisite le mythe vampirique, quelque part entre le bijou de Coppola (le look Dandy, entre autres, est très reconnaissable) et l’atmosphère plus lourde et scabreuse de Jack L’éventreur, mais se détourne de ses accents purement horrifiques pour s’engouffrer plus volontiers dans le rythme du thriller ou de la trame policière à la Conan Doyle. Même si les atmosphères sont importantes, le récit avance vite et positionne ses pièces à bon rythme faisant efficacement monter la pression qui annonce un retour sanglant sur les terres de Bharat. Figurant dans quasiment toutes les scènes, le fameux Kundan se montre suffisamment charismatique, à la fois élégant, imposant et terrifiant pour faire oublier qu’il reste pour l’instant finalement assez peu développé, silhouette menaçante et carnassière, figure trompeuse et changeante où l’on ne voit pas affleurer d’autres traits qu’une faim, de sang et de vengeance, implacable. Pas d’approfondissement, pour l’instant, des motivations à la symbolique politique initiée par les pages introductives, mais le scénario les garde sans doute pour les deux autres tomes du triptyque à venir courant 2025.
Un album intriguant en tout cas, et surtout extrêmement puissant dans la mise en image d’Emmanuel Civiello (Korrigans, La Dynastie des dragons…) pratiquant avec maestria la colorisation à l’ancienne, aux textures et reflets de peintures à l’huile, donnant l’impression d’assister à chaque planche à une toile ténébreuse, et souvent sanglante. Les matières, les architectures écrasantes, la folie barbare qui se détache des mouvements et des regards du prédateur vampire, mais aussi des foules emportées par la peur et la paranoïa, font grand effet. Une mise en scène évocatrice qui du coté hindou n’est pas sans rappeler non plus quelques gravures d’anciennes éditions de romans d’aventures à la Kipling. Mais avec un soupçon de cruauté en plus.