KORE KAITE SHINE T.1
これ描いて死ね – Japon – 2021
Genre : Comédie
Dessinateur : Minoru Toyoda
Scénariste : Minoru Toyoda
Nombre de pages : 208 pages
Éditeur : Panini Manga
Date de sortie : 11 septembre 2024
LE PITCH
Ai Yasumi est une lycéenne qui habite Izuoujima, une petite île située au sud de Tokyo parmi bon nombre d’autres îlots. Passionnée de manga, elle prend conscience, à la suite d’un évènement, que la lectrice qu’elle est pourrait prendre la plume et passer de l’autre côté en devenant mangaka. Une vocation naît en elle, un besoin impérieux de raconter ses histoires, mais est-ce que sa volonté et sa détermination seront suffisantes pour se faire une place dans ce milieu ?
La voie du manga
Grand gagnant du prestigieux prix Manga Taishô en 2023, Kore Kaite Shine entame sa traduction chez Panini Manga. Bonne occasion de découvrir une véritable célébration de l’art (et de la sueur) de la BD japonaise, mais aussi de découvrir un auteur installé depuis vingt ans dans les meilleures revues, mais encore inédit chez nous.
Il est vrai que le monsieur n’a jamais eu d’énorme cartons éditoriaux, ni proposé de grand shonen assurant une certaine pérennité (sans compter sur les nombreux dérivés lucratifs), car avec son trait faussement naïf, ses visages tout ronds et son sens du décalé, il a œuvré essentiellement du côté de la comédie, fantastique ou non, et de la chronique sentimentale et humoristique. Si visuellement Minoru Toyoda n’en met pas plein la vue, gardant toujours une posture très modeste entièrement tournée vers ses personnages, on ne peut cependant qu’admirer son sens implacable de la narration. La rigueur et la pertinence de son découpage, le soin apporté aux expressions et aux attitudes, ou l’efficacité de ses décors. Tout cela permet alors à son découpage de s’affranchir régulièrement des lignes les plus classiques (entre rêveries et gags visuels) et de distiller même quelques petites fantaisies, comme ces « amis imaginaires » qui se tapent l’incruste dans l’histoire. Toyada est manifestement un grand connaisseur des codes du manga et en maitrise tous les atours, offrant une lecture fluide, évidente et toujours enjouée.
Les affres de la création
Cela tombe bien, c’est exactement le thème de cette série qui s’attache au désir d’Ai Yasumi, rapidement rejointe par deux copines aussi dingos qu’elle, de se lancer dans la production de ses propres mangas. Des premières pages laborieuses (et moches) au lancement du club du lycée, d’un petit détour à un salon de doujinshi en passant par les nombreuses étapes de réécritures, de travaux sur la construction narrative, de reprises des illustrations et les longues séances de critiques assénées par une prof de littérature qui cache une ancienne mangaka contrariée, Kore Kaite Shine est l’une de ces aventures lycéennes pleines d’esprit, de camaraderie et de découvertes qui capturent joliment ces belles années d’affirmations de soi et de lent passage à l’âge adulte. Les demoiselles sont souvent très drôles, aussi solaires que lunaires, et si les drames sont encore loin et que toute l’action se déroule dans le cadre enchanteur d’une petite ville insulaire, nombre de lecteurs vont certainement s’y retrouver. Mais ce manga dont on pourrait traduire le titre par « Dessine ça et meurt » se construit aussi comme un guide pour ses jeunes lecteurs donnant de nombreuses clefs pour décrypter le manga, de nombreuses références de grands auteurs cités (de Kazuhiro Fujita à Daijirô Morohoshi en passant bien entendu par le père Tezuka) et met surtout en avant le travail difficile, harassant et parfois bien décourageant que demande ce média en particulier. Ici la petite équipe se constitue clairement comme un studio de création (avec une qui écrit, une qui dessine et la troisième qui mange des chips) tandis que la terrible Teshima évoque le responsable éditorial de la grande maison, souvent sans pitié avec les débutants ou les auteurs encore fragiles.
Kore Kaite Shine rappelle ainsi que dans le manga la passion ne fait pas tout, que le travail et les constantes remises en question sont nécessaires, aussi douloureux soient-ils… Mais il le fait avec énormément de bonne humeur.