KLAUS
Klaus #1-7 + Klaus and the Crisis in Xmasville + Klaus and the Crying Snowman + Klaus and the Life and Times of Joe Christmas + Klaus and the Witch of Winter – Etats-Unis – 2015 / 2019
Genre : Fantastique
Dessinateur : Dan Mora
Scénariste : Grant Morrison
Nombre de pages : 416 pages
Éditeur : Urban Comics
Date de sortie : 8 novembre 2024
LE PITCH
Dans un monde médiéval fantastique, un trappeur itinérant du nom de Klaus entre dans l’enceinte de Grimsvig. Mais la ville a bien changé depuis sa dernière visite… Celle qui respirait la joie de vivre est désormais dirigée d’une main de fer par le tyran Magnus, qui a enrôlé de force tous les hommes valides pour travailler aux mines de charbon de la région. Et ce n’est pas tout : ses soldats sèment la terreur, interdisant la cérémonie du solstice d’hiver et sa traditionnelle remise de cadeaux. Sous ses airs taciturnes, Klaus sera-t-il l’homme capable de faire revenir le soleil dans le cœur des habitants ?
Celui qui descend du ciel
Réédition chez Urban Comics (après un premier passage chez le concurrent Glénat) de Klaus, la série inaugurale et ses épisodes spéciaux, entièrement dédiés à l’esprit de Noël. Un père Noël a qui il ne faut pas trop chercher des noises et qui protège les enfants autant qu’il punit les grands méchants qui les menacent : Oui, Santa est un super-héros.
Créateur de The Invisibles, réinventeur d’Animal Man, Doom Patrol, Animal Man, Batman ou des New X-Men, Grant Morrison est un scénariste qui aime à déconstruire les grandes figures super-héroïques pour les faire entrer dans un post-modernisme réflectif, symbolique, voir magique. Une écriture souvent complexe, des épisodes aux détails cryptiques qui ne s’éludent que très progressivement, des références sans fond à des épisodes oubliés…. Pas toujours aisé donc, même si inévitablement passionnant et régulièrement brillant. Pourtant avec Klaus l’auteur effectue d’une certaine façon l’opération inverse, s’emparant d’un concept séculaire, constamment flou, réinventé à toutes les époques et dans toutes les cultures, afin de le ramener à une figure iconique de super-héros. Le Père Noël donc, ou Santa Klaus, héros des enfants traversant le ciel à bord de son traineau et distribuant des cadeaux la nuit du 24 décembre à travers le monde.
Ho Ho Ho
On oublie la bonne vieille barbe de papy, le ventre confortable et le bonnet soyeux pour explorer dans la série principale en sept chapitres les origines du personnage dans un contexte médiéval fantastique où Klaus va devenir le héros sauveur d’un village sous le joug d’un tyran qui esclavagise les adultes et interdit aux enfants la moindre source de bonheur. Grand, musclé, taciturne mais bienveillant, aventurier survivant dans les forêts enneigées qui entourent Grimsvig, Klaus se donne des airs de croisement entre un héros d’épopée Fantasy et d’un cousin lointain d’un mélange entre Superman et Batman, pourfendant les injustices en surplombant les maisons la nuit, acoquiné avec sa louve géante et distribuant des jouets de bois comme des pamphlets révolutionnaires. Même si Morrison se permet quelques métaphores anticapitalistes et un passage chamanique en forme de voyage extra-sensoriel, voilà une origin-story ultra calibrée et volontairement classique, pleine d’action et de magie qui effectivement circonscrit la figure du Père Noel à un modèle super-héroïque des plus défini. Terriblement efficace, très généreusement illustré par le doué, mais effectivement très « conventionnel », Dan Mora (Batman/Superman World’s Finest, Go Go Power Rangers…), Klaus s’amuse avec les tropes connus des traditions de fin d’année (il invoque même le Krampus dans la foulée) pour aboutir à la forme d’un blockbuster hivernal fun et spectaculaire, mais qui effectivement ne dépassera jamais vraiment son postulat de base.
La nuit sans fin
Un exercice de style en somme que Morrison va s’amuser à développer plus librement durant les années suivantes avec des épisodes spéciaux au contextes là totalement contemporains. On y croise une Sorcière de l’hiver qui kidnappe des enfants et prépare une invasion de pantins de bois pour se venger du réchauffement climatique, une ville transformée en cauchemar mercantile par un double maléfique de Klaus et la firme commerciale Pola Cola (avec des aliens en embuscades), un remake du Ragnarök évité grâce à un bonhomme de neige vivant et même un calendrier de l’avant à rebours retraçant le destin, de naissance à trépas de Joe Christmas, sidekick de Klaus. A nouveau de grandes démonstrations des talents visuels de Dan Mora (qui se lâche carrément sur les couleurs et les designs des divers « monstres ») mais aussi un traitement rétroactif beaucoup plus proche de la patte habituelle du scénariste qui réinjecte dans l’univers de Klaus les multiples incarnations de la figure du « père noël » ( de Grand-père hivers au Père Dugel communiste), l’intégrant au sein d’une Justice League distribuant mandales et cadeaux, multipliant les parallèles avec les évolutions connus des super-héros au cours de la longues histoires des comics. Une exploration beaucoup plus référentielle, assurant autant la durabilité du personnage que l’intégrant définitivement dans les codes et l’appareil narratif du media.
De quoi donner véritablement l’impression que ce Klaus, moderne et sculptural est un authentique personnage oublié des comics américains, sauveur du monde sur un traineau conduit par une horde de loup et protecteur des gosses avec toujours un jouet dans la poche. Une lecture vraiment sympathique et plutôt accrocheuse malgré (ou grâce à) ce classicisme éprouvé, et qui effectivement, peut s’avérer une bonne surprise à glisser sous le sapin des amateurs de BD musclées… et enchantées.