KAYA
Italie – 2024
Genre : Science-Fiction
Dessinateur : Emanuele Tenderini, Lorenzo Lanfranconi
Scénariste : Paola Barbato, Linda Cavallini
Nombre de pages : 96 pages
Éditeur : Glénat
Date de sortie : 5 juin 2024
LE PITCH
Après l’épuisement des ressources naturelles une partie de l’Humanité a quitté la Terre, l’autre se voit condamnée à survivre sous un ciel toxique. Dans ce monde dévasté où la faune a muté, les bio-brigades traquent les derniers survivants pour les enrôler dans les mines. Parmi eux, Rio et sa petite sœur Kaya vivent au jour le jour avec l’espoir d’atteindre le sud… On dit que dans ce coin de la planète, la vie est encore possible. Mais alors que Rio prend en chasse un innocent louveteau pour se nourrir, il est attaqué par sa mère, une louve mutante à l’aspect féroce ! Après avoir pris la fuite, Kaya tombe dans un piège où elle retrouve la mère du louveteau, elle-même prisonnière.
« j’ai oublié de viiiivre »
Véritable travail d’équipe presque comme pourrait l’être un film, Kaya est un voyage terriblement mélancolique dans un avenir sans beaucoup d’espoir. Une petite fille seule et survivante, une louve mutante qui vient de perdre son petit, ou la naissance d’une ultime amitié fans un monde qui a oublié de vivre. Oui comme Johnny.
En provenance d’Italie, cet album n’impose pas d’emblée une originalité renversante : dans un avenir plus ou moins proche, les ressources ont été anéanties, les cités sont tombées sous le coup des bombes et la planète étouffe dans un air vicié. D’étrange visiteurs venus d’ailleurs sont alors intervenus annonçant sauver la planète et les derniers humains, mais semble plutôt avoir soumis tout le monde à un régime totalitaire. Et ceux qui ne veulent pas s’y plier sont traqués impitoyablement. Un contexte plutôt classique, que les auteurs ne vont cependant jamais vraiment creuser, le laissant sobrement comme une toile de fond, un simple contexte à un drame beaucoup plus intime. Celui de Kaya, gamine abandonnée de tout le monde ou tout comme, qui restait accroché à Rio, grand frère d’adoption, jusqu’à ce que ce dernier soit tué par une louve géante dont il venait de tuer le louveteau pour un peu de viande. Pourtant un lien indéfectible va se créer entre l’enfant et l’animal lorsqu’ils tombent tous deux dans un piège et que Kaya va aider la bête à s’en sortir.
Derniers instants
On est bien entendu ici très loin de la balade bucolique car cette amitié naissante reste encore à distance, et que la quête inespérée d’une terre promise plus loin au sud, est jalonné de dangers, de traques et d’autres survivants toujours prompts à trahir leur prochain. Avec ses superbes décors mêlant effets couleurs directes et traitements numériques, la description d’un monde contemporain démoli, recouvert de cendres ou d’herbes folles, l’album se veut une œuvre profondément contemplative essentiellement constituée de silences et d’errances où les personnages semblent ajoutés sur la page comme dans un film d’animation qui aurait été figé dans le temps. Poétique, doté d’un design délicat et d’un découpage épuré qui tend vers des sensations cinématographiques, Kaya se veut une expérience sensitive et émotionnelle, s’approchant toujours au plus près de la résilience de la petite fille, de sa profonde humanité et de l’injustice et de la cruauté à laquelle elle est constamment confrontée.
Et question de décupler ces sensations, la petite équipe a travaillé de concert avec le compositeur Remo Baldi, mélangeant nappes atmosphériques et bruits d’ambiances rugueux, pour habiller la lecture. Cette bande originale est ainsi accessible via un QR code en début d’album et certaines pages annoncent par une petite icône quel morceaux doit être lancé pour accompagner les cases suivantes. Une initiatique pas indispensable (l’album se lit très bien tout seul), mais néanmoins très intéressante qui ajoute encore un niveau de profondeur supplémentaire à ce petit voyage que l’on referme le cœur lourd.