JUDAS
Judas #1-4 – Etats-Unis – 2018/2019
Genre : Fantastique
Dessinateur : Jakub Rebelka
Scénariste : Jeff Loveness
Nombre de pages : 136 pages
Éditeur : 404 Editions
Date de sortie : 24 octobre 2024
LE PITCH
Judas Iscariot est l’une des figures les plus tragiques de la Bible – un acolyte, un traître, un antagoniste. Mais sans Judas, l’histoire de Jésus ne fonctionnerait pas. Avant sa naissance, il était déjà esclave de l’histoire et dans une religion fondée sur la rédemption et le pardon, un homme devait se sacrifier pour sauver l’humanité… mais cet homme ne se nommait pas Jésus. Voici son histoire, depuis son suicide jusqu’au tréfonds des enfers.
Le psaume maudit
Révélé en France par son superbe Dernier jour de Howard Phillip Lovecraft, l’illustrateur Jakub Rebelka revient chez 404 Editions avec un autre portrait de l’ombre : Judas. Une relecture puissante des Évangiles qui interpelle, rédigée par le non moins doué Jeff Loveness (Apparition dans le ciel de Berlin-Est, Nova, Groot…).
Juda n’est pas n’importe qui. Il est la traitre, celui qui vend le Christ au romain et entraine sa crucifixion. Il est celui qui a abjuré sa foi, son amitié et son humanité pour quelques pièces. En somme il est le grand méchant de « La Plus grand histoire jamais contée ». C’est ainsi que pendant des siècles l’église à présenté l’apôtre, l’utilisant comme mise en garde, comme véritable opposé de la figure lumineuse de Jésus. Mais est-ce vraiment aussi simple ? En se basant sur certaines extrapolations de la Bible et sur la découverte en 1949 de textes des premiers chrétiens, Jeff Loveness revient sur ce personnage sacrifié, conspué, mais que pourtant beaucoup considère aussi comme celui qui a su se sacrifier pour le grand dessein. L’album en présence décrit donc l’arrivée de Juda en enfer et sa rencontre avec Satan, l’autre « vilain » des textes sacrés, déchus du paradis pour avoir osé se rebeller. Des parias qui décrivent alors, non sans rancune et colère, un dieu abusif, égoïste, irascible, ne supportant aucune remise en cause de son autorité malgré une réalité humaine souvent très loin du paradis terrestre. Que deviennent les prières ? Que deviennent les injustices ? Que deviennent les sacrifices ? Un dialogue qui traverse le purgatoire mais aussi les grands chapitres de l’ancien testament, les épisodes de la vie du Christ ainsi que ceux, bien plus modestes et tragiques de Judas.
La dernière tentation
Un dialogue qui cependant n’est jamais trop verbeux, jamais déclamatoire, ne s’étouffant pas dans un catéchisme invasif, mais qui réussit à tirer de ses tableaux chrétiens et de son débat théologique, de véritables et belles réflexions sur les notions de destin, de choix de vie et d’acceptation du monde tel qu’il est et tel qu’il peut être. Une très belle écriture, fine et humaniste qui en créant le débat, trouve l’émotion et une certaine justesse, jusqu’à une illumination finale célébrant non pas le grand destin du fils de dieux, mais bien le cheminement beaucoup plus modeste mais néanmoins lumineux du célèbre félon. Un récit, et une superbe édition française au passage, qui met aussi encore une fois en valeur le travail graphique époustouflant de Jakub Rebelka (The Witcher, Origins…) qui renoue avec certaines formes médiévales, capture les couleurs de peintures plus anciennes encore, redonnent corps aux compositions bibliques, pour y apporter une grande modernité, une brutalité plus « comics » qui aboutit à des planches éloquentes, riches et fascinantes. Autant à l’aise dans le contemplatif, l’allégorique et la transmissions des passions qui habitent les personnages, divins, humains ou habitant des enfers. Un lieu peuplé de démons, de créatures infernales et de morts-vivants comme il se doit, mais que Rebelka peint véritablement comme un espace intérieur, mental entre cauchemars et révélations. Superbe, faut-il le préciser ?