JOKER : THE WINNING CARD
The Brave & the Bold #1-2, 4-5 – Etats-Unis – 2023
Genre : Super-héros
Dessinateur : Mitch Gerads
Scénariste : Tom King
Nombre de pages : 112 pages
Éditeur : Urban Comics
Date de sortie : 05 juillet 2024
LE PITCH
Batman, Année Un. Alors que Bruce Wayne est encore en phase d’apprentissage pour incarner pleinement le Chevalier Noir, Gordon se lance sur la trace d’un mystérieux clown psychotique en pleine folie meurtrière. Ses intentions sont floues, ses mobiles inexistants, et alors que Gotham est plongée dans la peur, Gordon et Batman vont apprendre ce qu’il en coûte de sous-estimer le Joker.
Le tourbillon de la vie
Profitant d’un nouveau remaniement éditorial (Dawn of DC), DC Comics fait renaitre la revue anthologique The Brave & The Bold. Au programme de nombreux récits courts, de nombreux auteurs, et bien entendu Tom King et Mitch Gerads qui retournent aux racines du mythe Batman / Joker avec The Winning Card.
Un retour dans le passé, la fameuse année un, où un Batman débutant tente encore de s’imposer et où Bruce Wayne ne semble pas avoir encore tout à fait établis sa ligne de conduite et sa droiture morale. Un héros encore impulsif, trop sur de lui, qui va être confronté à une nouvelle menace : l’apparition d’un étrange forcené maquillé qui massacre, littéralement, tout sur son passage. Insaisissable puisque illogique, changeant, enchainant les meurtres totalement gratuits d’innocents croisés dans la rue à la mise en place de traquenards tortueux visant à débarrasser la ville de ses grands notables. Des petits airs de déjà vu ? Et pour cause, Tom King (Wonder Woman Hors la loi, Mister Miracles, Vision…) particulièrement productif dans l’univers du cape crusader, s’efforce ici de rendre hommage à un épisode mythique paru dans le Batman #1 de 1940. Imaginé par Bob Kane, Bill Finger et Jerry Robinson, il s’agissait là de la toute première apparition du Joker, alors particulièrement cruel, inquiétant, retors et encore très loin de la future version du bouffon coloré à gadgets. Tom King en reprend les grandes lignes, s’amuse à faire reproduire quelques cases ou situations, mais en propose aussi une version beaucoup plus moderne, bien mieux intégré dans le paysage des comics actuels.
The Old Joke
Un pont entre les années qui fait effectivement de ce Joker, admirablement dessiné de manière aussi sobre qu’inquiétante par Mitch Gerads (The Punisher, The Activity…), une version particulièrement inquiétante et dangereuse du personnage, froide, increvable et totalement délirante qui d’ailleurs ne s’exprime à l’image que par le biais de cartons hérités des vieux films muets (clin d’œil sans doute au film L’Homme qui rit). Le Joker par lui-même est une vraie réussite dans The Winning Card, en particulier durant cette longue séquence où il s’attache peu à peu la confiance d’une petite fille dans le premier chapitre, pour mieux la traumatiser sadiquement par la suite. Malheureusement, The Winning Card se veut beaucoup plus malin qu’il ne l’est et Tom King développe sans doute beaucoup trop un pitch idéal pour un récit très court, et à rapidement tendance à se répéter dans ses séquences de carnages et tenter de faire monter une pression que les lecteurs habituels de Batman connaissent déjà. C’est que comme beaucoup avant lui, le scénariste vise la lune et tente de faire le lien avec un autre récit inoubliable autour de ces deux personnages : The Killing Joke. Encore ! Toute la dernière partie de l’album n’en est finalement qu’un décalque qui utilise la carte du lien naturel et malade qui se crée entre les deux personnages, sorte d’attraction / répulsion, de miroir déformant, et transforme là aussi la bataille attendue en concours de blagues improbables. Mais le traitement est beaucoup plus lourd et surlignés que chez Alan Moore, industrieux, et rate clairement son effet si ce n’est dans cet ultime gaufrier laissant le mot de la fin au Joker : « Toi et moi ça promet d’être grandiose pas vrai ? ». Un comics qui se vaudrait être déjà un classique… ce n’est jamais bon signe.