JOKER T.1 : LA CHASSE AU CLOWN
The Joker #1-6 – Etats-Unis – 2021
Genre : Super-héros
Scénariste : James Tynion IV
Illustrateurs : Guillem March, Francesco Francavilla
Éditeur : Urban Comics
Pages : 160 pages
Date de Sortie : 25 février 2022
LE PITCH
Si les trajectoires de Batman et du Joker sont intimement liées, il en va de même pour toutes les victimes collatérales du clown criminel. Parmi celles-ci, Jim Gordon figure parmi les plus sévèrement traumatisés. Depuis les événements qui paralysèrent sa fille Barbara, l’ex-commissaire reste hanté par la barbarie du Joker. Aussi, lorsque la représentante d’une mystérieuse organisation lui propose d’assassiner le Joker, Gordon y voit l’occasion de faire ce que Batman ne se résoudra jamais à faire et de débarrasser une bon fois pour toute le monde de cet avatar du Mal absolu.
Atout pique
Vilain le plus célèbre de l’histoire des comics et icône grimaçante célébrée sur des tonnes de produits dérivés, le Joker n’a pourtant que très rarement eut les honneurs d’un titre à son nom. Une nouvelle tentative moderne signée James Tynion IV et Guillem March, où la folie noire du personnage peut enfin éclater dans toute sa furieuse splendeur.
Étrangement, malgré son énorme potentiel commercial (il suffit de voir le succès du long métrage de Todd Phillips), ce satané Joker n’a eu sa propre publication qu’une seule fois. Dans les années 70 et seulement pour 10 numéros. Un comic qui mettait alors largement en avant les aspects les plus délirants et grotesques du personnage puisqu’il y affrontait quelques concurrents maison (l’épouvantail, Catwoman…) s’en prenait à Wonder Woman et se trouvait en concurrence avec… Sherlock Holmes. Du coloré, du gag, de l’improbable… Une orientation que n’a pas vraiment choisi James Tynion IV qui pour le coup se tournerait plutôt vers la personnalité la plus malade, dangereuse et inquiétante de ce dernier, se rapprochant encore et toujours de l’illustration acide et cauchemardesque imaginée par Alan Moore et Dave Gibbons dans The Killing Joke (on y revient toujours). Pas étonnant dès lors que The Joker n’embrasse pas réellement le point de vue du Joker, mais bel et bien celui de Jim Gordon, désormais à la retraite, et constamment hanté par les agissements du clown tout au long des années. Car Gordon et sa famille ont certainement été les plus impactés par la folie du psychopathe préféré de Gotham, et lorsqu’une femme mystérieuse, Cressidia, vient lui proposer de le payer plus que grassement pour retrouver le Joker et l’éliminer, Jim a de quoi hésiter.
Mauvaise farce
Accusé d’avoir gazé et assassiné les patients de l’Asile d’Arkham, Joker est en effet devenu la cible de plusieurs organisations, que ce soit les adorateurs de Bane, ou le reste d’une famille de cannibale ayant fait fortune dans le pétrole. Une chasse à l’homme qui entraine tout ce beau monde jusqu’à Belize où le Joker passe quelques jours de vacances au soleil et les attends patiemment. Plutôt fun sur le papier, avec une atmosphère de véritable thriller horrifique creusé à chaque instant par le trait lourd et pesant de Guillem March (l’encrage est quand même limite too much), la série a cependant tendance à passer un peu à côté de son potentiel. Narré en voix intérieure à la manière du Batman Year One (à celui-ci aussi on y revient toujours), mais en plus bavard, l’album aurait eu tout à gagner à se concentrer uniquement sur la présence d’une fratrie aux appétits digne de Massacre à la tronçonneuse, sur les tableaux sordides de leurs petits gueuletons, et l’impact de leur vendetta sur la traque entre Gordon et Joker. Les multiples Bane, la Cour des hiboux, la mafia française, la collaboration d’Oracle, tout cela vient parasiter une atmosphère qui aurait pu relever beaucoup plus efficacement du roman noir, du psycho-thriller macabre. Si l’omniprésent Jim Gordon y gagne certainement en galon avec, entre autres, un très touchant épisode flashback illustré par Francesco Francavilla (The Black Beetle) sur sa prise de distance avec sa famille, Joker lui reste relativement en périphérie, profitant d’apparition assez marquantes (il est décidément très doué en couture sur chair), mais trop rares. Un titre intéressant mais qui manque cruellement de flamboyance.