Bien entendu cet album n’est pas tout à fait un livre d’Histoire, ni un manuel scolaire. Et ce même si les grandes lignes de la croisade illuminée de la petite bergère reprend consciencieusement tous les épisodes les plus célèbres : les incontournables comme l’annonciation divine (mais apparemment IL a quelque chose à dire là-dessus), la rencontre avec le brave Charles VII et son adoubement à Chinon, la bataille d’Orléans, l’arrivée du compagnon d’arme Gilles de Rais (du cul !), la campagne en Bourgogne pour bouter les anglais hors de France et le twist (c’est « retournement de situation en anglais ») avec la trahison de ses compagnons et son arrestation à Compiègne. La suite on la connait : procès, hérésie, bucher, martyr et cendres. Sauf que notre petite Jeanne est ici accompagné par Dieu en personne, qui tente vainement de la ramener à la raison (et à sa maison) et de lui faire entendre qu’il ne l’a jamais contacté pour lui donner une mission de la sorte. Mais bon les adolescentes…

« Ses voies sont impénétrables »

Un peu obtue, un peu naïve, un peu conne, Jeanne embarque le vieux barbu ronchon (et moins musclé que tout le monde le pensait) dans ses aventures et des successions de dialogues ubuesques, de situations parfaitement ridicules et de gags à (éternelles) répétitions. Notre créateur en regretterait presque d’avoir créer l’homme… et a bien du mal à retenir un nouveau déluge. Bref la France de XVeme siècle vaut bien la cour de Kamelott et la pucelle y fait plus office de neveux abrutis faisant des Dab pour fêter la victoire que d’Arthur s’efforçant de maintenir un peu de cohésion dans ce boxon. Une fois encore Karibou (L’Enfer c’est les hôtes, Constantin de Chamberly…) s’amuse de l’absurdité humaine, de sa bêtise et joue de son sens du dialogue anachronique, voir philosophique, mais surtout bien acerbe, pour enchainer les gags à la Monthy Python. Tout ne tombe pas toujours dans la cible, mais certaines planches s’avèrent particulièrement jouissives (l’interminable final sur le bucher), d’autres étonnements plus profondes, et la désinvolture de l’ensemble fait forcément beaucoup de bien par là où ça passe. S’il lui a fait quelques infidélité (roooh) Karibou retrouve ici son illustrateur privilégié, Josselin Duparcmeur, maniant à nouveau son trait simple mais précis, économe mais réaliste, et dont les planches en noir et blanc juste relevées de vert pâle, vont à l’essentiel : le rire.

A noter que l’on apprend aussi dans ces pages comment bien entretenir son armure, qu’on ne doit jamais manquer l’occasion de déguster une andouillette chinonaise et que même dieu n’est pas exempté de nettoyer les traces de boues qu’on laissées ses chausses. Non mais !