JE SUIS LÉGION

France – 2004/2007
Genre : Science-Fiction
Dessinateur : John Cassaday
Scénariste : Fabien Nury
Nombre de pages : 192
Éditeur : Les Humanoïdes Associés
Date de sortie : 5 février 2025
LE PITCH
Pendant la Seconde Guerre mondiale, des dignitaires nazis poursuivent dans le plus grand secret d’étranges expérimentations sur des prisonniers. Tout semble dépendre des étranges pouvoirs qu’une petite fille auraient développé, et que les nazis espèrent instrumentaliser. Mais Ana Anslea est-elle seulement une petite fille ? Ses souvenirs remontent à tant de siècles…
Les racines du mal
Les festivités pour les 50 ans des Humano continuent avec une nouvelle réédition intégrale. Celle de Je suis Légion, best-seller des années 2000 marquant les ambitions transatlantiques de l’éditeur. Un thriller d’espionnage entre histoire et fantastique imaginé par le français Fabien Nury (Il était une fois en France, Silas Corey…) et illustré par l’américain John Cassaday (Astonishing X-Men, All-New Iron Man & Avengers…). Du lourd.
Je suis Légion n’est certainement ni le premier ni le dernier à s’inscrire dans une uchronie prenant ses racines dans les tréfonds des secrets de la Seconde Guerre Mondiale, et plus directement dans la fascination de l’ordre nazi pour les questions du surnaturel. Rares sont cependant les récits à y planter leurs racines aussi solidement et à s’inscrire pleinement dans une trame adulte et complexe, flirtant avec de nombreux faits, figures et évènements réels. Ici donc Fabien Nury s’empare de recherches scientifiques plus que douteuses de l’axe pour imaginer celles d’un groupe de scientifiques ayant mis la main sur une étrange petite fille capable de contrôler ses cibles grâces son sang. Qui est-elle ? Quelle est l’étendu de ce pouvoir ? En parallèle se joue l’activation de l’opération Walkyrie qui permettrait à quelques généraux de fomenter un coup d’état contre le Führer, avec le soutien bien entendu des forces anglaises et américaines se préparant déjà à une future Guerre Froide. Mais il y aussi cette curieuse affaire du meurtre d’un riche homme d’affaire britannique, proche du pouvoir, assassiné à son domicile, incendié. Les évènements s’enchaînent, les trames parallèles de cessent de se croiser aux cours de ce qu’était au départ un triptyque, les nombreux personnages (tous bien construits) échangent leurs informations, se courent après, se tirent dessus entre les rues de Londres, la Roumanie et les bureaux allemands, aboutissant effectivement à un vaste réseau de tableaux parfois ardus à suivre et à interconnecter.
Pureté sanguine
Nury ne joue effectivement jamais la simplicité, disposant certes quelques scènes d’actions régulièred, voir même dans le dernier chapitre de véritables scènes d’assauts spectaculaires, mais jamais au détriment de dialogues sophistiqués et crédibles et de personnages aux motivations variées et concrètes. Je suis légion aurait pu ainsi être un véritable roman graphique sur la Seconde Guerre Mondiale, s’il n’y avait pas ajouté ces deux êtres étranges, capables d’échanger de corps ou de contrôler celui des autres grâce à leur sang. Deux entités très anciennes muent par leurs propres ambitions et bien entendu rendant tout cela plus trouble encore. Ardu mais passionnant, Je suis Légion s’avère donc aussi une relecture novatrice du mythe vampirique et de ses racines folkloriques européennes, ajoutant subtilement une atmosphère ésotérique et païenne aux horreurs factuelles du conflit. L’horreur y a de nombreux visages et le manichéisme d’usage n’y a jamais vraiment de place. Pas étonnant d’ailleurs que l’auteur s’essaya dès 2011 à l’exercice de la préquelle avec les quatre tomes de Les Chroniques de Légion, mais chez l’éditeur Glénat cette fois. Une aventure lancée cependant sans le dessinateur John Cassaday, qui fut parfois décrié pour sa prestation, jugée trop rigide et aux décors trop visiblement conçus à partir de photos. Si effectivement certains visages pas assez expressifs peuvent avoir du mal à se départager, cette rigueur du découpage, le réalisme des poses et des environnements, confortent l’authenticité de l’histoire, tandis que le dénuement de certaines séquences vient directement évoquer quelques grands classiques du cinéma de Guerre… avec une lente montée en puissance des jaillissement plus horrifiques.
Entre polar, récit de guerre, thriller d’espionnage et pure modernisation fantastique, Je suis Légion est encore et toujours l’une des valeurs sures des Humanoïdes Associés et l’une de leurs tentatives les plus mémorables de collaborations franco-américaines. Déjà réédités sous la forme d’un coffret intégrale, les trois albums sont désormais réunis dans un seul volume définitif, idéal pour les retardataires.