INEXISTENCES
France – 2023
Genre : Science-Fiction
Dessinateur : Christophe Bec
Scénariste : Christophe Bec
Nombre de pages : pages
Éditeur : Soleil Éditions
Date de sortie : 6 décembre 2023
LE PITCH
Dans les montagnes perdues, tout n’est que désolation. Les survivants errent dans un paysage désolé où ne subsistent que des ruines prises dans les glaces. De grands cataclysmes ont soumis la planète à d’interminables hivers. Il existerait pourtant un sanctuaire où vivrait un enfant bleu, qui aurait conservé la mémoire des temps anciens. Une légende que va tenter de vérifier le sniper nommé Sol.
Des lendemains qui déchantent
Depuis quelques années essentiellement tourné vers le travail (productif) de scénariste, Christophe Bec, ici aussi à nouveau illustrateur, revient pour un projet ambitieux : Inexistences. Un vaste ouvrage, intensément visuel, qui transporte le lecteur dans un futur sans avenir, sans mémoire et sans grand espoir.
Cela fait donc cinq ans qu’entre de multiples projets (Bob Morane, Tarzan, Aurora, La Terre Vagabonde, Megalodon…) Christophe Bec œuvre tranquillement à un ouvrage que l’on pourrait qualifier de plus personnel. Un retour direct aux récits de science-fiction dystopiques qui ont fait sa signature au cours des années (et ce dès le Zéro absolu écrit par Richard Marazano) et auxquels ils semblent vouloir offrir une nouvelle portée, une vision à la fois plus grandiloquente encore mais aussi plus recentrée sur une atmosphère. Il n’y a donc pas de récit clair et ferme dans cet album qui ne va pas hésiter de chapitre en chapitre à changer de point de vue et de narrateur, sans que parfois la connexion logique entre eux ne soit particulièrement évidente. L’auteur brouille les pistes mais décrit tout de même avec beaucoup de précision un monde ensevelie par la neige d’un long hivers nucléaire provoqué par une apocalypse dont plus grand monde ne se souvient. Les restes de l’humanité sont rares et éparses, regroupés en tribus survivant essentiellement sur les ruines du passé et les restes de technologie persistante. L’un d’eux est un éclaireur et un chasseur qui part sur les traces d’un étrange messie caché au fin fond d’un lieu mythique.
La dernière marche
D’un récit de survie, ou plutôt d’une recherche du sens de la survie, Inexistences prend ainsi les atours d’une quête existentielle, mais où l’apprêté de la réalité réduit la moindre lumière à un grain de poussière. L’enfant bleu qui aurait pu être le symbole d’une nouvelle naissance dans un autre récit, n’est ici en définitive qu’un enfant malingre, et la rencontre n’est qu’une étape dans une avancée inexorable. Le récit ne respire pas la joie de vivre et ne porte pas sur l’humanité et son avenir un regard plein de chaleur et de compassion. Annonçant dans sa préface vouloir s’inscrire dans une filiation avec les grands anciens de l’ère Métal Hurlant (en particulier Druillet par son gigantisme), Christophe Bec ne manque pas d’ambition, imposant d’amblé un album au format légèrement plus large que d’habitude, mais où le lecteur découvre aussi des panoramas dépliables en quatre volets venant pour le coup surtout titiller une grammaire plutôt cinématographique. Si on trouve en effet un chapitre entier en forme de nouvelle à peine illustrée, Inexistences prend essentiellement la forme d’un grand ouvrage graphique passant de la bande dessinée au découpage classique à de longues phases contemplatives enchainant les tableaux comme un livre d’illustration, régulièrement silencieux, comme pour accabler encore plus le lecteur devant l’aridité et la sécheresse visible. Si on se perd un peu justement dans ces ruptures de formes et dans la déconstruction alambiquée de(s) l’histoire, les planches et les peintures de Christophe Bec imposent une forme de solennité, de rapport déséquilibré entre la puissance des paysages et la fragilité des êtres qui questionne la place de l’humain et surtout l’impact absurde qu’il a sur sa propre planète. Une science-fiction desséchée et une prestation d’artiste douloureusement incarnée.