HUMAN TARGET
Human Target #1-12 + Tales of the Human Target #1 – États-Unis – 2022 / 2023
Genre : Thriller, Super-héros
Dessinateur : Greg Smallwood
Scénariste : Tom King
Nombre de pages : 424 pages
Éditeur : Urban Comics
Date de sortie : 27 octobre 2023
LE PITCH
La réputation de Christopher Chance n’est plus à faire. Il a gagné sa vie en devenant une cible vivante professionnelle, un homme engagé pour endosser l’apparence et la psychologie de ses clients afin d’inviter les assassins potentiels à tenter de le tuer. Un parcours remarquable… jusqu’à sa dernière mission en date, la protection de Lex Luthor, au cours de laquelle les choses ont dérapé. Une tentative d’assassinat que Chance n’a pas vu venir le rend vulnérable et l’oblige à essayer de résoudre son propre meurtre. Il a 12 jours pour découvrir qui, dans l’univers DC, haïssait Luthor au point de vouloir le tuer via un poison à action lente. Et les principaux suspects sont… la Ligue de Justice Internationale !
I Know Who Kill Me
Après Mister Miracle, Adam Strange ou Supergirl, c’est au tour de Christopher Chance, alias la « cible humaine » de devenir le sujet d’étude de Tom King. Un garde du corps que l’on disait increvable et qui enquête ici sur sa prochaine mort.
Une mort annoncée provoquée par un poison ingéré alors qu’il travaillait comme double pour Lex Luthor (on a tous des soucis d’argent). Il apprend ainsi qu’il ne lui reste plus que douze jours à vivre. Douze jours, douze chapitres, pour un whodunnit qui va l’amener à se rapprocher de la Justice League International surtout connu pour la bonne heure et l’esprit familial. Rien n’est jamais aussi simple qu’il y parait et les sourires et la décontraction affichés peuvent dissimuler quelques culpabilités. Même chez la sublime Ice, super-héroïne pleine de bonnes volontés et qui vient lui proposer son aide… Crée en 1972 par Len Wein et Carmine Infantino et admirablement revitalisé en 1999 par le duo Peter Milligan et Edvin Biukovic sous le label Vertigo, Human Target est une figure en périphérie comme les affectionne Tom King. Un personnage double de part ses origines croisant vieux romans noirs et action entre James Bond et Mission Impossible, tout autant que de part sa nature, anti-héros capable de prendre l’apparence (sans pouvoir) de n’importe lequel de ses clients, mais aussi de prendre une balle pour eux. Il garde un regard en marge sur l’univers DC, mélange de froideur et de décontraction, d’assurance, que l’auteur va prendre un malin plaisir à mettre à mal. Car que peut-il arriver de pire à l’homme increvable que de savoir qu’il va mourir ?
Le maitre des masques
King maitrise l’exercice, trop il faut le reconnaitre, et ne peut donc s’empêcher de reprendre sa formule bien découpée, de jouer avec le lecteur sur sa vision de certains personnages (le crétin Green Lantern Guy Gardner, Booster Hold, Blue Beetle… l’absent Batman) et bien entendu de déconstruire page après page les contours de son sujet qui certes ne perdra jamais de son flegmatisme, mais ne pourra certainement pas s’empêcher de se laisser aller à des émotions inédites. Difficile pour ceux qui ont déjà lu d’autres maxi-série de Tom King de ne reconnaitre ses nombreux tics d’écriture et ce qui s’apparente désormais à des facilitées de structure. Pourtant, généreusement aidée par les sublimes planches signées Greg Smallwood (Moon Knight, Vampironica…) au classicisme très 50’s jusque dans sa colorisation, ce Human Target prend peu à peu le lecteur aux tripes l’entrainant dans une enquête effectivement particulièrement prenante, mais surtout dans une réflexion passionnante et touchante sur l’inéluctable et le rapport à la mort, chose forcément assez rare dans le petit monde des super-héros. Surtout, l’album surprend agréablement dans sa manière de faire légèrement dévier l’objet de son récit de Christopher Chance vers Ice, héroïne que l’on a de coutume de décrire comme mignonnette que l’on observe ici avec une profondeur inédite, des airs de femme fatale, douce certes, mais mélancolique et complexe. L’histoire d’amour presque impossible et pourtant tout en simplicité qui nait entre elle et Chance offre certainement les plus beaux moments de la mini-série.
Si Tom King reste définitivement dans sa zone de confort et use et abuse de techniques éprouvées par ses soins (le détournement psychologique, les nombreux dialogues pour remplacer l’action…), il réussit une nouvelle fois à capturer à merveille des personnages trop méconnus de l’univers DC. Et la prestation éclatante de Greg Smallwood n’est certainement pas pour rien dans le plaisir de lecture de cet imposant pavé de plus de 400 pages.