HORS DES SENTIERS BATTUS T.1
Kinkerlitzchen – Allemagne – 2024
Genre : Érotique, Comédie
Dessinateur : Marie Sann
Scénariste : Marie Sann, Yann Krehl
Nombre de pages : 48 pages
Éditeur : Tabou
Date de sortie : 17 mai 2024
LE PITCH
Pour Lizzy, jeune étudiante, qui emménage pour ses études en colocation avec Elva une amie plus âgée et bien plus délurée qu’elle, le sexe et les relations amoureuses ne sont pas sa priorité. Mais lorsque la curiosité la pousse à visiter un sex-shop pour la première fois, Lizzy se décide à explorer sa sexualité. Des jouets sexuels aux applications de rencontres en passant par les premières expériences, elle essaie des choses nouvelles et sort des sentiers battus pour découvrir peu à peu un intérêt certain pour le côté le plus coquin du sexe.
A la recherche du plaisir
Après nous avoir fait découvrir la très talentueuse Elena Ominetti, Tabou met en avant une nouvelle artiste de l’érotisme illustrée : Marie Sann. Une dessinatrice allemande dont Hors des sentiers battus est le premier projet. Les amateurs de « sexualité saine » la connaissent sans doute déjà depuis un moment sous la signature Kinky Karrot.
Lancée en 2018, la marque féministe Kinky Karrot était bien entendu une belle manière de mettre en avant les talents de Marie Sann, mais aussi une belle vitrine pour promouvoir une certaine vision, moderne, égalitaire et joyeuse de la sexualité. Blasée par sa découverte de la pornographie lambda, bien entendu essentiellement tournée vers des fantasmes et des représentations masculines, elle voulut effectivement mettre en avant une plus grande variété de représentations des corps, des sexualités, des pratiques tout en cultivant une grande curiosité pour les pratiques dites « kinky », l’utilisation de divers accessoires et une redécouverte du corps et ses désirs… féminins particulièrement. Après avoir produit de nombreuses illustrations pour quelques campagnes de pubs, pour des goodies persos ou pour des personnages ou couples souhaitant immortaliser leur sexualité, Marie Sahn est finalement passée à la production d’une première bande dessinée mis en avant sur la plateforme Patreon. Kinkerlitzchen en Allemagne ou Hors des sentiers battus en France (la version US arriverait sous peu), embrasse alors totalement la démarche de l’artiste, voir même ressemble à une concrétisation en contant la nouvelle vie d’une jeune femme, Lizzi, plutôt joyeuse, un peu gaffeuse, chaleureuse et curieuse, qui se met à raviver sa sexualité après une séparation.
« Ce n’est pas saaale ! »
Seule et donc indépendante, découvrant la Body Positivity elle se met comme jamais en connexion avec son corps et ses propres envies. Cela en passe par un (vite plusieurs) détour dans un magasin de sex toys situé presque en bas de la rue, par une première expérience lesbienne, par un essai, concluant, des effets du bondage, puis des prémisses encore assez gentillettes du S&M… La demoiselle s’amuse, expérimente et rencontre divers partenaires et plus uniquement dans le but de combler sa solitude ou son quotidien. Égrené par quelques discussions avec sa colocataire Elva, designeuse de lingerie qui se heurte aux diktat de la normalisation, et bientôt Sam qui mène des ateliers d’« observation de la vulve », Lizzie cherche aussi occasionnellement un boulot qu’elle perd aussitôt, tente de payer son loyer, rencontre quelques gentils partenaires ou organise une exposition féministe explicite dans le bar où elle fait serveuse. Quelques petites notes d’humour sont toujours présentes, mais Hors des sentiers battus a essentiellement deux buts : émoustiller naturellement, et initier son lectorat à une sexualité ouverte, variée et saine (les anti-woke peuvent remonter leur braguette). Le didactisme de l’opération n’est pas toujours des plus subtiles et les parenthèses sur le quotidien des personnages manquent d’un peu de piment, mais Hors des sentiers battus est une proposition réjouissante et charmante.
Et le style si particulier de Marie Sann n’y est sans doute pas pour rien, la candeur et les rondeurs toutes disneyennes, les couleurs flashy et guillerettes, qu’elle use n’empêche certainement pas les représentations très sexy et explicites de parties de jambes en l’air torrides, et joue très joliment sur la multiplicité des formes et des corps. Un album pétillant.