HORIZONS OBLIQUES
Hexagon Bridges #1-5 – Etats-Unis – 2023 / 2024
Genre : Science-fiction
Dessinateur : Richard Blake
Scénariste : Richard Blake
Nombre de pages : 160 pages
Éditeur : Urban Comics
Date de sortie : 26 avril 2024
LE PITCH
Il y a plusieurs années, Jacob et Elena Armlen, un couple d’explorateurs, se sont retrouvés piégés dans une étrange dimension parallèle aux paysages insaisissables, à l’architecture changeante, peuplée d’entités malicieuses, laissant derrière eux leur fille en bas âge, Adley. Bien des années plus tard, Adley a grandi mais n’a jamais oublié ses parents. Dotée d’un pouvoir de clairvoyance et accompagnée de Staden, un robot à la sensibilité très humaine, elle se lance à leur recherche.
Découvertes
Le comic Horizons Obliques n’est pas une bande dessinée franco-belge pourtant elle y ressemble beaucoup. Ce n’est pas non plus la nouvelle création d’un artiste assuré, mais bien une première œuvre. C’est en tout cas un album qui résonne comme une révélation.
Grand lecteur de BD et de comics, Richard Blake n’avait pourtant jamais vraiment eu l’ambition d’en créer lui-même. Artiste certainement, déjà exposé dans de nombreuses galeries du monde, mais qui a été emporté par ses visions, son imaginaire, et la nécessité de coucher sur papier des images et une histoire qui tournait à l’obsession. Horizons Obliques s’est alors semble-t-il presque construit de lui-même autour de l’idée d’un robot arpentant des paysages urbains désertés, des environnements semblant s’effriter et se reconstruire sans cesse… et une vielle Citroën volante. L’idée est donc, comme son créateur, de se laisser tranquillement transporter par la proposition, par la précision gracile du dessin, sa sobre émotion, un découpage qui privilégie toujours le lyrisme de l’image plutôt que l’action (relativement absente il faut bien le dire) et une narration constamment flottante, définitivement contemplative. Incroyable de se dire que c’est bel et bien là une première BD tant toute la grammaire, l’architecture de l’œuvre semble à sa place, et surtout déjà touché par la grâce d’une personnalité poétique profonde. Difficile de ne pas tarir d’éloge sur l’art de Richard Blake, sur son mélange de simplicité et de vastes constructions architecturales, sur sa maitrise totale du mélange entre le dessin traditionnel et le travail infographiste, constamment en adéquation entre la quête science-fictionnelle et le parcours intime de l’héroïne.
En apesanteur
On aurait presque tendance à l’oublier, mais il y a bien une histoire dans Horizons obliques. Peu bavarde certes, mais qui explore cependant des thèmes scientifiques relativement complexes autour des questions des mondes parallèles, des évolutions futures, de l’indépendance des IA ou des pouvoirs médiumniques… mais aussi se rapport complexe de l’être humaine face à une conscience autre et surtout beaucoup plus grande que lui. En partant via son lien avec l’IA Staden dans un ailleurs accessible par une brèche qui apparaitra 2000 ans dans notre future, Adely se met autant en quête de ses parents disparus, les deux premiers être vivant à l’avoir traversé, que de sa réalité profonde, son identité et plus largement d’un possible sens à l’existence. Comme elle, les paysages qu’elle croise son malléables, fait de collages entre des formes connues et d’autres plus insaisissables, et surtout se façonne en se déconstruisant. Il y a bien la possibilité d’un certain Gerardus qui organiserait tout cela, mais rien n’est moins sûr. Un saut dans l’inconnu, souvent très énigmatiques voir indéchiffrable, et qui surtout n’apporte aucune réponse sur un plateau, préférant laisser au lecteur le soin d’y faire sa propre interprétation. Une autre preuve de l’assurance créative de cet auteur qui pourrait très rapidement devenir un nom majeur de ce média.
Petit mot sur l’édition concoctée par Urban Comics qui se présente comme un album au format plus large et luxueux que la moyenne, accompagné en fin d’ouvrage de la galerie des couvertures des cinq fascicules américains, de quelques croquis, mais aussi d’une interview de l’artiste par le grand François Schuiten, dont Les Terres creuses sont un modèle avoué par Richard Blake. Une belle discussion sur la nature libre et souvent surprenante de la création, sur les techniques utilisées et les choix de constructions de pages.