HOLLYWOODLAND T.1&2
France – 2022/2023
Genre : Comédie dramatique
Dessinateur : Eric Maltaite
Scénariste : Zidrou
Nombre de pages : 56 et 56 pages
Éditeur : Fluide Glacial
Date de sortie : 07 juin 2023
LE PITCH
Construites en 1923, les lettres HOLLYWOODLAND étaient à l’origine destinés à commercialiser un nouveau projet immobilier qui s’est attardé. Laissées à l’abandon pendant des années, elles sont restaurées en 1949 en plein âge d’or du cinéma américain (et amputées du LAND par soucis d’économie). Les neuves lettres restantes du mot HOLLYWOOD deviennent alors le symbole de l’industrie du rêve à travers le monde.
Les rêves en grand
Ces quelques histoires prépubliées dans les pages de la revue Fluide Glaciale ont toutes le même décor : celui de l’âge d’or d’Hollywood. Pas la belle devanture faite de paillettes et de stars, mais les coulisses, les ruelles, les couloirs plus sombres où les rêves s’abiment. Avec beaucoup d’ironie, un peu de poésie et une certaine mélancolie, Zidrou et Maltaite rendent hommage aux petites mains du cinéma américain.
C’est en juillet de cette année que l’on fêtera les 100 ans de l’installation des fameuses lettres géantes Hollywoodland, censées servir de coup de pub à un vaste projet immobilier (avorté) et devenues au fil des décennies l’un des symboles, et même le surnom, des plus grands studios de cinéma du monde. C’est d’ailleurs cette proximité avec la date anniversaire qui a donné à Zidrou (Celle qui fit le bonheur des insectes, Les Nouvelles enquêtes de Ric Hochet…) l’impulsion de se replonger dans cette époque pleine de rêves… souvent inassouvis. Neuf et huit courtes histoires où l’on croise certes quelques stars en silhouettes et quelques fausses icônes aux allusions évidentes, mais qui se consacre essentiellement aux laissés pour compte, aux oubliés de l’argentique. La toute première histoire (peut-être la plus belle) recueille les dernières paroles d’une jolie petite rouquine, starlette charmante qui pratiquera plutôt ses prouesses en bureaux ou à l’arrière des voitures, que sur les écrans. Une parmi tant d’autres, comme cette femme de ménage noir dont le grand moment de gloire sera d’être prise pour Ginger Rogers par un mendiant aveugle, comme ce beau gigolo qui satisfera les femmes de producteurs plutôt que leurs époux ou cette une hispanique qui se console d’avoir été chassée de chez elles grâce à cinq lignes de dialogues qu’elle va pouvoir interpréter devant Katherine Hepburn.
Projections
La nostalgie peut habiter quelques-uns des personnages, à l’instar d’un ancien cascadeur devenu vendeur de hotdogs et qui découvre que sa plus grande prestation a finalement été coupée au montage. On y croise des scénaristes obligées de transformer un western en film noir pour le lendemain, un dessinateur d’affiche attendant désespérément une copie d’un Américain à Paris en rupture de stock, des figurants issus des minorités désabusés par le système et même une voiture de collection qui subira les foudres d’une femme jalouse. Hauts lieux des abords de Los Angeles, petit monde très humain qui va des fans cherchant quelques autographes de leurs idoles aux ouvreuses en grèves, les albums brossent un portrait multiple, doux-amer et gentiment désenchanté d’un petit monde plein de vie. Celui d’Hollywoodland dépeint avec un mélange de cruauté et de tendresse par l’illustrateur Eric Maltaite (L’Instant d’après, Les Tuniques bleues) qui laisse cependant constamment une certaine fraicheur et un humour affleurant. Son style est juste ce qu’il faut de rétro pour dépeindre à merveille l’époque ciblée sans jamais tomber dans le cliché de trop, et le trait quelque part entre l’école franco-belge façon Morris et les contours légèrement plus adultes d’un Jordi Bernet, synthétise le mélange de ton, réaliste, noir ou comique, des scénettes capturées dans l’ombre de 13 lettres géantes, trônant fièrement sur leur colline.