Retour donc à la fin des années 90 où le jeune dessinateur s’apprête à faire ses premières armes du coté des publications françaises grâce à la revue très porno La Poudres aux rêves. Un titre compilant BDs franco-belges, manga et autres curiosités, et où Manolo Carot apporte ainsi un trait encore très très rond, des volumes cartoon des plus sensuels et un style excessif pas toujours encore aussi pointu qu’aujourd’hui mais déjà assez marquant. Et on ne parle pas uniquement de la taille et de l’épaisseur des membres de ces messieurs. L’artiste ne ménage ainsi pas ses efforts pour embarquer tous ses personnages dans des parties de jambes en l’air endiablées, régulièrement collectives, croisant allégrement domination, échanges bestiaux, frottages lesbiens et sodomies improbables. Chez Carot, le sexe reste une donnée aux contours extraordinaires, pour lesquels les participants acceptent les poses les plus acrobatiques et les dilations rarement douloureuses. Une fantaisie débridée et affriolante qui séduit tout autant donc pour des prestations tout à fait démonstratives, que pour l’originalité même des scénarios proposés.

Tour HLM de Babel

Ce Histoires Extraordinaires se compose donc de 10 chapitres croisant une classe d’adolescentes faisant l’école buissonnière et finissant par s’emparer de leur pauvre professeur, une manifestation antifa durement réprimée par la police, une bande de baba s’évadant avec de la bonne fumette, un groupuscule islamiste préparant un attentat et un assassin professionnel, mais dont le destin va se révéler interconnecté avec des évènements se déroulant en simultanés ou dont les chutes et conséquences se répondent d’une historiettes à l’autre. Poursuites dans tous les sens, échangisme à tous les étages, bastons diverses, gunfights et trip métaphysique sous acides, l’album culmine même dans un enlèvement collectif de toutes les jolies donzelles par deux aliens libidineux frétillants des tentacules. Le tout est bien entendu manié avec énormément de dérision, un petit discours vaguement politique et anticlérical toujours assez réjouissant et un équilibre très agréable dans les rapports de force entre les deux sexes. Entre les trois copines qui retournent la tête des CRS grâce à leurs appétits voraces et leur doigté imparable, et la quête de reconquête d’une musulmane prêt à tout pour dégommer les prêcheurs masculinistes, la domination n’est pas toujours là où on le croit.

Certes, il faut reconnaitre qu’on est encore loin ici de la maestria graphique et thématique du beaucoup plus récent Akelarre, mais un peu plus de vingt ans après leurs premières publications, les histoires de ce recueil en petit format et à dos souple, remet en avant des débuts prometteurs, funs et défoulants.