HELLBOUND T.1
지옥 – Corée du Sud – 2019
Genre : Horreur
Scénariste : Yeon Sang-Ho
Illustrateur : Choi Kyu-Sok
Editeur : Delcourt
Pages : 312 pages
Date de Sortie : 10 novembre 2021
LE PITCH
Des hommes censés être honnêtes reçoivent un message mystérieux leur annonçant qu’il leur reste peu de temps à vivre avant d’être conduits en Enfer. À l’heure dite, des créatures apparaissent, ne laissant que des corps calcinés derrière eux ! Qui tire les ficelles de ce théâtre macabre ?
Pénitences
Après Squid Games la nouvelle sensation sud-coréenne de Netflix pourrait bien être le thriller fantastique Hellbound. Une série produite et réalisée par le Yeon Sang-Ho de Dernier train pour Busan, auteur complet qui était déjà le scénariste du manwha dont le programme est tiré et que Delcourt nous propose dans collection KBooks.
Auteur multi-support s’étant fait connaitre autant pour son diptyque live Dernier train pour Busan / Peninsula que par le biais de films d’animations comme King of Pigs, The Fake ou Seoul Station, Yeon Sang-Ho s’est aussi essayé en 2019 à la BD avec Hellbound, projet développé à la fois sous forme d’un weebtoon et d’un manwha plus classique. Juste une question de grammaire, de sens de lecture et sans doute aussi de rythme où l’on ne peut alors que préférer la version papier. Tout simplement parce que Hellbound est une lecture dans laquelle le scénariste et son illustrateur, Choi Kyu-Sok (L’Amour est une protéine, Intraitable), se plaisent énormément à jouer avec les attentes et les nerfs des lecteurs. Le trait relativement épuré utilisé, les planches le plus souvent baignées dans une blancheur aveuglante, distillent ainsi une lumière qui en devient profondément inquiétante, éclipsée uniquement par l’apparition de ces étranges démons ténébreux, créatures mystérieuses, grotesques et punitives, et des cadavres qu’ils laissent derrière eux. Plutôt que d’imposer une atmosphère crépusculaire, Hellbound se laisse plus certainement envahir par la pureté annoncée par les membres de la secte menée par le charismatique Jung Jinsu, qui voit dans ces exécutions une volonté divine et l’annonce d’un ordre nouveau.
Illumination
Des petits joueurs à coté des illuminés violents de La Pointe de Flèche qui menacent tous ceux qui ne se plient par à la nouvelle voie. Face à eux, un flic au bord de la rupture, toujours hanté par le meurtre de son épouse, une avocate qui s’efforce de protéger les personnes ciblées par les exécutions annoncées. Plutôt qu’une fable fantastique, Hellbound s’empare surtout de ses éléments fantastiques pour venir scruter la société contemporaine, pour observer les réactions de chacun aux retournements qui s’amoncellent et surtout la vision toute personnelle de chacun de la notion de justice ou de tolérance religieuse. Toujours méfiant par rapport aux effets de foule, aux mouvements de la masse, Yeon Sang-Ho en montre les réactions exacerbées par les médias télévisés, eux-mêmes largement dépassés par la diffusion d’informations sur les réseaux sociaux et les incitations à la haine vomie en toute liberté sur le net. La Corée-du-sud comme une poudrière qui ressemble malheureusement tout autant à la société française à quelques mois des élections présidentielle qu’à d’autres nations en ces temps troublés. La mèche est allumée dès les premières pages et la tension monte de manière implacable entre drame émotif humain (la pauvre maman qui se sacrifie pour sauver ses enfants), horreur frontale et violence barbare, mais avec la rigueur d’une trame policière au suspens savamment dosée et à la moralité constamment fluctuante.
Une apocalypse froide, sourde, qui n’est pas sans rappeler celles de Kiyoshi Kurosawa (Kairo, Charisma…) jusque dans le cliffhanger de ce premier tome qui ne fait que troubler encore un horizon déjà bien incertain.